2.
Remarquez ici, je vous prie, combien vive et ardente était la charité que saint Paul avait pour Jésus-Christ, puisque pour l'amour de lui il souhaite de mourir et de périr tout seul, pourvu que tout le monde croie en lui. Mais s'il souhaite sa perte, ce n'est que pour la vie présente et non pas pour l'éternité, suivant ce que dit l'Evangile : « Celui qui aura perdu sa vie pour l'amour de Jésus-Christ la retrouvera.» C'est pour cela qu'il cite ce passage du psaume quarante-troisième : « On nous égorge tous les jours pour l'amour de vous, Seigneur; on nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie. » Cet apôtre souhaite donc de périr selon la chair, afin que les autres se sauvent selon l'esprit. Il veut acheter au prix de son sang le salut de plusieurs. Il me serait aisé de prouver ici, par plusieurs passages, de l'Ancien Testament, que le mot anathème , se prend quelquefois pour la mort que lion fait souffrir aux criminels. Et pour faire voir que ce n’était pas sans sujet que saint Paul s'affligeait de la sorte, cet apôtre ajoute que ce qui lui causait une douleur si vive et si cuisante était de voir « ses frères et ses proches selon la chair, » en danger de se perdre sans ressource. Lorsqu'il les appelle « ses frères et ses proches selon la chair,» il donne assez à entendre qu'ils lui étaient étrangers selon l'esprit.
« A qui appartient, » dit- il,« l'adoption des enfants de Dieu;» car c'était d'eux que le Seigneur disait autrefois: « Israël est mon fils aîné;» et derechef: «J'ai nourri des enfants et je les ai élevés ; » et desquels il dit maintenant: «Des enfants étrangers ont agi avec dissimulation à mon égard.» Dieu leur avait confié « sa gloire,» parce qu'il les avait choisis parmi toutes les nations comme son peuple particulier; « son alliance, » dont l'une est selon la lettre et l'autre selon l'esprit, afin qu'après avoir observé d'une manière charnelle les cérémonies de l'Ancien Testament qui venait d'être aboli, ce peuple le servit d'une manière spirituelle dans la pratique des commandements de l’Evangile éternel ; «sa loi, » qui renfertnect l'Ancien et le Nouveau-Testament,ot;«soi( culte, »c'est-à-dire: la véritable religitm ; «ses hrunicsses, »dans la vuc dc répandre sur les enfants tous les bienfaits qu'il a\ ait promis à leurs pères. Mais leur plus beau titre et leur plus grande gloire, c'est que Jésus-Christ a pris naissance parmi eux de la vierge Marie. Et pour nous l'aire connaître quel est ce« Christ,» et nous expliquer en même temps le véritable sujet de sa douleur, il ajoute : « qui est Dieu au-dessus de tout et béni dans tous les siècles.» Voilà celui qui lui cause une affliction si grande et si sensible; c'est de voir que les Juifs refusent de reconnaître ce Dieu de majesté qui est né d'eux selon la chair. Cet apôtre néanmoins loue la justice de Dieu et l'équité de ses jugements, de peur qu'on ne trouve quelque chose d'outré et de trop sévère dans la manière dont il en a usé à l'égard des Juifs. En un mot, saint Paul se sent pénétré de douleur en voyant accablés de maux et de disgrâces ceux que Dieu avait autrefois comblés de bienfaits et traités avec tant de distinction.