Quatrième question.
Comment accorder ce que dit saint Mathieu, que Marie-Madeleine vit Jésus-Christ « le soir du dernier jour de la semaine, » avec ce que dit saint Jean, que « le matin du premier jour de la semaine» elle pleurait près du sépulcre ?
Par « le premier jour » de la semaine on doit entendre : le dimanche, parce que les Juifs comptaient la semaine par le jour du sabbat, et par le premier, le second, le troisième, le quatrième, le cinquième et le sixième jour du sabbat, que les païens marquent par le nom des idoles et des planètes. De là vient que l'apôtre saint Paul ordonne aux fidèles de Corinthe d'amasser «le premier jour de la semaine » les aumônes qu'ils destinaient au soulagement des pauvres. Il ne faut donc pas s'imaginer que saint Mathieu et saint Jean ne s'accordent pas ensemble : ils n'ont fait que donner à une même heure, qui est celle de minuit et du chant du coq, des noms différents; car saint Mathieu dit que notre Seigneur apparut à Marie-Madeleine « le soir du dernier jour de la semaine, » c'est-à-dire : lorsqu'il était déjà tard , et la nuit étant non-seulement commencée, mais même fort avancée et presque passée. Aussi ajoute-t-il, comme pour s'expliquer lui-même, que le jour de la semaine suivante commençait déjà un peu à paraître. Pour ce qui est de saint Jean, il ne dit pas absolument : « Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine vint dès le matin au sépulcre ; » mais il ajoute : « lorsqu'il faisait encore obscur. » Ainsi ils s'accordent tous les deux pour le temps, qui est celui du chant du coq et de minuit, dont l'un a marqué le commencement et l'autre la fin. Il me semble même que le texte de saint Mathieu, qui a écrit son évangile en hébreu , porte « lorsqu'il était déjà tard, » et non pas « le soir; » ce que l'interprète, qui n'entendait pas bien le véritable sens de ce mot, a traduit par celui de « soir, » au lieu de dire « lorsqu'il était déjà tard. » En effet, dans l'usage ordinaire de la langue latine le mot serò signifie : tard; et nous avons coutume de nous en servir lorsque, par exemple, nous disons à quelqu'un : Vous êtes venu trop tard; faites au moins tard ce que vous auriez déjà dit avoir fait il y a longtemps.
Que si on nous objecte comment il se peut faire que Marie-Madeleine, après avoir vu le Seigneur ressuscité, vienne encore, comme le marque l'Évangile, pleurer auprès du sépulcre , il faut répondre que, pénétrée. qu'elle était d'un vif sentiment de reconnaissance~ de toutes les grâces que Jésus-Christ lui avait faites , elle courut plusieurs fois à son sépulcre, ou seule ou en la compagnie des autres femmes et que tantôt elle adora celui qu'elle voyait, tantôt elle pleura celui qu'elle cherchait. Quelques-uns néanmoins croient qu'il y a eu deux Maries-Madeleines, toutes deux natives du bourg de Magdelon, et que celle qui, selon saint Mathieu, vit Jésus-Christ ressuscité , est différente de celle qui, selon saint Jean, le chercha avec tant d'inquiétude. Ce qu'il y a de certain, c'est que l'Evangile fait mention de quatre femmes appelées Marie : la première est la opère de notre Seigneur; la seconde est Marie, femme de Cléophas et tante de Jésus-Christ du côte de sa mère; la troisième est Marie, mère de Jacques et de José, et la quatrième Marie-Madeleine. Quelques-uns néanmoins confondent la mère de Jacques et de José avec la tante de Jésus-Christ. D'autres, pour se débarrasser de cette difficulté, disent qu'à la vérité saint Mare parle de l'une des Marie, mais qu'il ne lui a point donné le surnom de Madeleine, et que ce sont les copistes qu'il l'ont ajouté mal à propos. Pour moi, il me semble qu'on peut répondre à cette difficulté d'une manière plus simple et moins embarrassée en disant que ces saintes femmes, ne pouvant souffrir l'absence de Jésus-Christ, furent en mouvement toute la nuit, et. allèrent non-seulement une et. deux fois, mais à tout moment le chercher à son tombeau, surtout leur sommeil ayant été troublé et interrompu par le tremblement de terre, par le bruit des pierres qui se fendaient, par l’éclipse du soleil, par la confusion et le dérangement de toute la nature, et encore plus par l'empressement extrême qu'elles avaient de voir le Sauveur.