10.
« Lorsqu'il revint et qu'il fut proche de sa maison, il entendit des concerts et le bruit de ceux qui dansaient.» C'est ce qu'exprime le mot promeleth, qui forme le titre d'un psaume ce mot veut dire : un choeur de musiciens qui chantent ou jouent des instruments. C'est donc se tromper que de croire, comme font quelques auteurs latins, que le mot de symphonie signifie : un certain instrument de musique; car il veut dire : un concert d'instruments, ou: un chœur de plusieurs voix qui chantent les louanges de Dieu.
« Il appela donc un des serviteurs et lui demanda ce que c'était. » Le peuple juif demande encore aujourd'hui pourquoi Dieu se réjouit de la vocation des gentils, et, déchiré qu'il est par la passion de l'envie, il ignore les desseins du Père céleste.
« Le serviteur lui répondit : « C'est que votre frère est revenu, et votre père a tué le veau gras parce qu'il le revoit en santé. » C'est le salut des gentils et la conversion des pécheurs qui causent cette joie; les anges et toutes les créatures y prennent part, tout le monde en loue Dieu de concert; les Juifs seuls en murmurent.
« Ce récit l'ayant irrité, il ne voulait point entrer dans le logis. » Il se fâche de ce qu'on a reçu son frère en son absence, et il ne peut sans chagrin et sans indignation voir vivant celui qu'il croyait mort. Israël ne veut point entrer dans la maison paternelle, et, pendant que les disciples de Jésus-Christ entendent l'Evangile dans l'Eglise, sa mère et ses frères le cherchent dehors.
« Mais son père, étant sorti, le pria d'entrer. » Que ce père est bon ! qu'il est charitable il prie son fils de prendre part à la joie de toute la famille, et il l'en prie par les apôtres et par tous les ministres de l'Evangile. « Nous vous conjurons au nom de Jésus-Christ, » dit l'un d'eux,« de vous réconcilier avec Dieu; » et dans un autre endroit: «Vous étiez les premiers à qui il fallait annoncer la parole de Dieu; mais, puisque vous la rejetez et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, nous nous en allons présentement vers les gentils. »
« Et son fils lui fit cette réponse : « Voilà déjà tant d'années que je vous sers. » Son père le supplie et le conjure de ne point troubler la paix et l'union de la famille; mais celui-ci, mettant sa justice dans l’observance de la lois ne veut point se soumettre à Dieu pour recevoir la justice qui vient de lui. Or, Dieu peut-il faire paraître sa justice d'une manière plus sensible qu'en pardonnant aux pécheurs convertis, et en recevant avec bonté ses enfants qui reviennent à lui par la pénitence?
« Voilà déjà tant d'années que je vous sers, et je ne vous ai jamais désobéi en rien de ce que vous m'avez commandé; » comme si ce n'était pas violer les commandements du Père céleste que d'être jaloux du salut d'autrui, et de faire vanité de ses bonnes oeuvres aux yeux d'un Dieu devant qui personne n'est exempt de péché. Car qui peut se vanter d'avoir le cœur pur, fût-ce un enfant d'un jour? « Vous savez, Seigneur, » disait David, «que j'ai été formé dans l'iniquité et que ma mère m'a conçu dans le péché; » et dans un autre endroit : « Si vous observez exactement nos iniquités, qui pourra, Seigneur, subsister devant vous? » Et cet enfant présomptueux se vante de n'avoir jamais transgressé les commandements de son père, lui qui tant de fois a été mené en captivité en punition de son idolâtrie!