12.
« Vous ne m'avez jamais donné un chevreau pour me réjouir avec mes amis. » Vous vous trompez, ô Israël! dites plutôt : « Pour me réjouir avec vous. » Pouvez-vous goûter quelque plaisir dans un festin où votre père ne se trouve pas? Jugez-en vous-même par la manière dont vous en usez aujourd'hui à son égard. Votre père et tous ses domestiques se réjouissent du retour de votre frère; car il ne dit pas : « Mangez et divertissez-vous bien, » mais : « Mangeons et faisons bonne chère; » tandis que, tourmenté par une jalousie cruelle qui vous aigrit contre votre frère, et qui vous retient à la campagne loin de votre père, vous voulez vous réjouir et faire festin en son absence.
« Vous ne m'avez jamais donné un chevreau.» Un père ne donne pas si peu de chose. Voici que l'on vient d'immoler un veau : entrez et mangez avec votre frère. Pourquoi demander un chevreau puisqu'on vous donne un agneau? De peur que vous ne prétextiez votre ignorance, saint Jean vous l'a montré dans le désert, en disant : « Voici l'agneau de Dieu, voici celui qui ôte les péchés du monde. » Votre père, toujours plein de bonté pour vous, et désirant vous faire rentrer en vous-même par une sincère pénitence, vous exhorte à venir manger le veau gras qu'il a immolé au lieu d'un chevreau, qui, au jour du jugement, doit être à la gauche. Mais vous, à la fin des siècles, vous immolerez un boue, qui est l'Antechrist, et vous mangerez sa chair avec vos amis, c'est-à-dire avec les démons, suivant cette prédiction du prophète : « Vous avez écrasé la tête du dragon, et vous l'avez donné en nourriture aux peuples d'Ethiopie. »
« Mais aussitôt que votre autre fils, qui a mangé son bien avec les femmes de mauvaise vie, est revenu, vous avez tué pour lui le veau gras... Les Juifs avouent aujourd'hui que c'est le veau gras » qu'on a tué; ils savent que le Christ est venu; mais, rongés qu'ils sont par la passion de l'envie, ils ne veulent point être sauvés, à moins que leur frère ne périsse.
« Alors le père lui dit : « Mon fils, vous êtes toujours avec moi, et tout ce que j'ai est à vous.» Il l'appelle « son fils,» quoique celui-ci refuse d'entrer dans la maison paternelle. Mais comment peut-on dire que tout ce que Dieu possède appartient aux Juifs? Est-ce que les Anges, les Trônes, les Dominations et toutes les autres puissances célestes sont à eux ? Cela doit donc s'entendre de la loi, des prophètes, et des oracles divins que Dieu leur a confiés. Voilà ce qu'il leur a donné, afin que leur emploi fat de méditer jour et nuit sur sa loi qui est renfermée dans le canon des saintes Ecritures. « Tout ce que j'ai est à vous; » c'est-à-dire la plus grande partie de ce que j'ai; et c'est dans ce sens qu'on doit entendre ce que dit l'Ecriture : « Tous se sont détournés de la droite voie, ils sont tous devenus inutiles; » et ailleurs : « Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des larrons; » et saint Paul, dans son épître aux Corinthiens: « Je me suis fait tout à tous pour les sauver tous, » et aux Philippiens : « Car tous cherchent leurs propres intérêts et non ceux de Jésus-Christ. » Cependant, puisque ce père invite son fils à manger le veau gras, il est à croire qu'il ne lui a jamais rien refusé.
« Mais il fallait faire festin et nous réjouir, parce que votre frère était mort, et il est ressuscité ; il était perdu, et il a été retrouvé. » Nous devons donc croire que la pénitence peut nous redonner la vie que le péché nous a ôtée. Dans notre parabole ce jeune homme revient lui-même vers son père; mais dans les deux autres, lé pasteur rapporte la brebis qui s'était égarée et la femme retrouve la drachme qu'elle avait perdue. Ces trois paraboles ont le même dénouement: on retrouve ce qu'on avait perdu, pour nous marquer sous des figures différentes que Dieu reçoit avec bonté les pécheurs qui retournent à lui.