Chapitre CX.
Je vis dans une gorge toute pierreuse une petite caverne, dont l'abord et l'entrée étaient très difficiles ; elle me parut extrêmement désagréable à habiter, à cause de l'âpreté de son aspect ; mais dès longtemps la table du Seigneur y était dressée, et Tony avait, sans interruption, célébré les sacrifices de Jésus-Christ. Le cœur saisi de crainte, je m'avançai, et je me plaçai sur la pierre raboteuse, sur laquelle, tous les deux jours, s'accomplissait le saint mystère, et qui couvrait l'endroit où avait cessé de vivre sainte Mani ; là, avec la plus grande effusion, je me prosternai devant la toute-puissance de Jésus-Christ. J'allai ensuite vers la fontaine limpide, dans laquelle les saints venaient se rafraîchir, pour éteindre l'ardeur des douleurs et pouvoir se livrer plus complètement au service spirituel ; elle était entourée d'une grande quantité de pierres, et on y allait étancher sa soif en invoquant le nom du saint et pur Grégoire. Dans cet endroit je trouvai convenable, moi, malheureux pécheur, de me pencher aux bords de la source, pour satisfaire mes désirs et pour boire de l'eau de cette fontaine du salut et de la rénovation. Je m'approchai ensuite du trône, qui est un lieu respectable et illustre, et de cette terre de bénédiction, sur laquelle on tombe prosterné, et qui renferme des trésors spirituels d'un prix inestimable pour le pasteur. C'est dans ce lieu même que, par mon ordre, une église avait précédemment été bâtie ; elle formait un magnifique bâtiment. Je vis là, dans une gorge, des religieux qui habitaient une caverne pierreuse ; ils étaient couverts de cilices, couchaient sur la terre nue, marchaient nu-pieds, se nourrissaient d'aliments grossiers, priaient Dieu continuellement, versaient d'abondantes larmes, se formaient à la justice par de pénibles exercices, et s'instruisaient dans la pratique de la vertu. Ces moines n'étaient pas tous réunis dans un seul endroit, mais dispersés çà et là, au pied de la montagne où ils étaient fixés et où, par des travaux extrêmement rudes, ils s'efforçaient tous de vaincre et de dominer leur corps.
