Chapitre LXV
Le rapport et l’attestation générale des solitaires nous apprend qu’Antoine a fait beaucoup de miracles semblables dont nous ne devons pas nous étonner, puisqu’il en a fait d’autres qui sont encore beaucoup plus admirables. Car un jour, environ à l’heure de None, il s’était levé pour prier avant de prendre son repas. Il se sentit ravi en esprit et, ce qui est admirable, il se vit comme transporté hors de lui-même et élevé par des anges dans l’air, où les démons s’opposèrent à son passage. Les bienheureux esprits qui le conduisaient combattirent en sa faveur. Les démons leur demandèrent s’ils avaient quelque pouvoir sur lui et commencèrent à vouloir examiner toutes ses actions depuis le jour de sa naissance. A quoi les anges s’opposèrent en disant : quant à ce qui est du commencement de sa vie, Notre Seigneur le lui a remis. Mais si depuis le jour où il est devenu solitaire et s’est consacré au service de Dieu, vous avez quelque chose à alléguer contre lui, il vous est permis de le dire. Alors les démons l’accusèrent mais ne purent rien prouver contre lui. Le chemin lui fut donc ouvert et Antoine se vit comme retourné au même lieu et de nouveau il fut lui-même. Oubliant de manger, il demeura ainsi tout le reste de la journée et passa toute la nuit en soupirant et en priant sans cesse, tant il était rempli d’étonnement en voyant contre quels ennemis nous avions à combattre et la quantité de travaux nous avions à souffrir pour pouvoir arriver au ciel ; et il se ressouvenait à ce propos de ce que l’Apôtre a dit au sujet du prince de l’air (Ep 2, 2) : sa puissance consiste à nous combattre et à ne pas ménager ses efforts pour nous empêcher de monter à travers le ciel et de prendre ainsi le chemin du ciel. Le même Apôtre redouble donc ses exhortations en nous disant : Armez-vous des armes de Dieu afin que dans les jours mauvais (Ep 6, 13), votre ennemi soit confondu en voyant qu’il ne trouve rien à dire à votre désavantage (Tt 2, 8). En plus de ce que ces paroles nous apprennent, souvenons-nous aussi de celles-ci qui sont du même Apôtre : Je ne sais si ce fut en mon corps et en âme, ou seulement en esprit, Dieu le sait (2 Co 12, 2). Mais après avoir été élevé au troisième ciel où il entendit ces paroles ineffables, saint Paul en descendit : de même Antoine s’étant vu enlevé dans les airs, y soutint un grand combat dont il sortit victorieux.