Chapitre LXXVII
Ces philosophes ne sachant que répliquer et se tournèrent de côté et d’autre. Antoine se mit à sourire et leur dit : Ces choses sont si claires, qu’il ne faut que les regarder pour tomber d’accord. Mais puisque vous vous appuyez principalement sur les démonstrations, et que faisant profession de cette science, vous ne voulez même pas adorer Dieu lorsque vous y êtes obligés par des arguments et des preuves, je vous pose une question. Comment est-ce qu’une chose, et surtout la connaissance d’un Dieu, peut le mieux s’acquérir ? par une démonstration, ou par l’énergie de la foi ? Et qu’est-ce qui précède ? La foi agissante, ou la démonstration par des discours ? Ces philosophes répondirent à cela que la foi active précédait, et que c’était elle qui donnait une connaissance certaine. Vous avez fort bien répondu, leur dit Antoine, parce que la foi procède de l’opération de l’âme ; tandis que la Dialectique ne procède que de l’art de ceux qui l’ont inventée. Et ainsi, les personnes qui ont une foi ferme, non seulement n’ont pas besoin de la démonstration des discours, mais elle leur est tout à fait inutile. Ainsi vous travaillez à établir par des raisons ce que nous connaissons très bien par le moyen de la foi, et souvent vous ne pouvez pas même expliquer par vos paroles les choses que nous concevons très facilement, parce que l’opération de la foi est beaucoup plus forte que tous vos arguments philosophiques.