55.
En regard de ce premier tableau, peignons celui de la femme pauvre qui a épousé un homme riche. Elle est moins sa compagne que son esclave; elle a perdu sa liberté, et l'on croirait presque que son mari l'a achetée sur la place publique. Aussi quels que soient à son égard les sévices de son époux; quelque coupable que soit sa conduite, et quelque nombreux que soit l'essaim d'odieuses rivales , il lui faut tout souffrir en silence ou quitter le domicile conjugal. Ajoutez à ces premiers malheurs la dure position que les dédains de son mari lui créent auprès des serviteurs. Loin de leur commander librement, elle vit comme étrangère dans sa maison, n'use de ses propres biens que comme à titre d'emprunt, et parait moins unie à un époux qu'attachée au service d'un maître.
Admettez-vous au contraire égalité de rang et de fortune dans les deux époux. Cette égalité même rendra leur condition plus malheureuse, parce qu'elle leur laissera le même pouvoir de résistance et de contradiction. Que faire donc en présence de ces graves et nombreuses difficultés ? Il est inutile de citer les quelques mariages qui en sont exempts , puisqu'ici le malheur est la règle générale, et que le bonheur n'est qu'une rare exception. Mais autant il est difficile que ces tribulations diverses ne se rencontrent plus ou moins dans toute union conjugale, autant il est certain que la virginité nous en préserve.