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Que dirai-je encore? parlerai-je de leurs rapines, de leur avarice, des pauvres qu'ils trompent, des vols qu'ils commettent , des cabarets et autres lieux infâmes qu'ils tiennent ? Mais le jour tout entier ne suffirait pas pour cette narration.— Cependant, disent quelques-uns, leurs fêtes ont quelque chose de grave et de grand? — Ecoutez donc les prophètes, ou plutôt écoutez avec quelle énergie Dieu lui-même les repousse J'ai haï, j'ai rejeté vos fêtes. (Amos, V, 21.) Dieu hait ces fêtes et vous y participez ? Et il ne dit pas : Telle ou telle fête, mais toutes également. Il hait aussi le culte qu'ils lui rendent avec des tambours, des harpes, des psaltérions et les autres instruments : en voulez-vous la preuve ? Eloignez de moi le bruit; de vos chants, dit-il (Ibid. V, 23), et je n'écouterai pas l'accord de vos instruments. Dieu dit Eloignez de moi, et vous, vous courez pour entendre les trompettes? Mais les sacrifices même et les offrandes ne sont-ils pas abominables ? Si vous m'apportez de la fleur de farine, c'est inutilement; l'odeur de votre encens m'est en abomination. (Is. I, 13.) L'odeur de l'encens est en abomination, et le lieu où il fume n'est pas abominable? Et quand, en abomination? En abomination avant qu'ils aient commis leur crime capital, avant qu'ils aient mis à mort leur Maître, avant la croix, avant le déicide ; ne l'est-il maintenant beaucoup plus? — Qu'y a-t-il cependant de plus odorant que la fumée de l'encens ? — Oui, mais ce n'est pas à la nature des dons, c'est à l'intention de ceux qui les présentent, que Dieu regarde, c'est par là qu'il juge des offrandes. Il regarda Abel, et, en même temps, ses dons avec complaisance ; il vit aussi Caïn, mais il rejeta ses sacrifices. Il ne regarda pas Caïn, est-il dit, ni ses sacrifices. (Gen. IV, 5.) Noé offrit en sacrifice à Dieu des brebis, des veaux et des oiseaux; et l'Ecriture dit : Que le Seigneur en respira l'odeur suave (Gen. VIII, 21), c'est-à-dire qu'il agréa ce qui lui était offert : car Dieu n'a pas de narines, la Divinité est incorporelle. Ce qui montait de là était une odeur et une fumée de corps brûlés, et il n'y a rien de plus infect; mais, afin que vous sachiez que Dieu agrée ou rejette les oblations. en ne tenant compte que de l'intention de ceux qui les offrent, l'Ecriture appelle odeur suave cette odeur et cette fumée de l'holocauste, et abomination la fumée de l'encens, parce que l'intention de ceux qui offraient cet encens était comme infecte et corrompue.
Outre les sacrifices, les instruments, les fêtes et la fumée des aromates, il a encore le temple en horreur, à cause de ceux qui y entrent? Il l'a prouvé par les effets, en le livrant, un jour, aux mains des Barbares, et enfin, en le renversant de fond en comble. Même avant la destruction du temple, Dieu publiait par la bouche du Prophète : Ne vous laissez pas abuser par des paroles trompeuses, parce qu'elles ne vous serviront de rien, quand vous dites : le temple du Seigneur, le temple du Seigneur. (Jér. VII, 4.) Ce n'est donc pas le temple qui sanctifie ceux qui s'y rassemblent; mais ceux qui se rassemblent rendent le temple saint, s'ils sont saints. Que si le temple ne servait de rien, quand les chérubins, quand l'arche s'y trouvaient, beaucoup moins servira-t-il après que tous ces précieux symboles ont été détruits; quand l'aversion de Dieu est devenue extrême, quand une nouvelle et plus grande cause de haine s'est ajoutée à toutes les autres. Quelle démence est-ce donc et quelle folie, quand des hommes sont flétris, abandonnés de Dieu; quand ils ont irrité le maître,, d'en faire ses compagnons pour célébrer des fêtes ! Dites-moi, si quelqu'un avait mis à mort votre fils, est-ce que vous consentiriez à le voir, à l'entendre, à lui adresser la parole? Ne le fuiriez-vous pas comme un mauvais démon, comme le diable lui-même? Ils ont mis à mort le fils de votre Maître, et vous osez vous unir à eux? Jésus-Christ qu'ils ont mis à mort vous a honorés jusqu'à vous faire ses frères et ses cohéritiers, et vous l'outragez jusqu'à honorer et servir ses meurtriers et ceux qui l'ont crucifié, en participant à leurs fêtes; jusqu'à courir à leurs infâmes réunions, à entrer dans leurs vestibules impurs et à participer à la table des démons, car leur déicide me porte à appeler ainsi le jeûne des Juifs. Comment, en effet, ne seraient-ils pas des démons ceux qui combattent contre Dieu?
Vous demandez la santé aux démons? Mais lorsque Jésus-Christ leur eut permis d'entrer dans des pourceaux, ils les précipitèrent aussitôt dans la mer; et ils épargneront les corps des hommes ! (Matth. VIII, 31 et suiv.) Plût à Dieu seulement qu'ils ne fussent pas homicides ! Plût à Dieu qu'ils ne dressassent pas d'embûches ! Ils ont fait jeter hors du paradis notre premier père, ils ont exclu les hommes de l'héritage des cieux autant qu'ils ont pu, et ils guériront le corps ? Quelles ridicules fables ! Les démons savent dresser des embûches et nuire, mais non guérir. Dites-moi, ils n'épargnent pas l'âme et ils épargneront les corps? Ils font tous leurs efforts polir nous priver de la royauté céleste à laquelle Dieu nous appelle, et ils entreprendront de nous délivrer de nos maladies? Vous n'avez pas entendu le Prophète qui disait, ou plutôt Dieu par le Prophète, qu'ils ne peuvent faire ni bien ni mal. Et quand même ils pourraient et voudraient guérir (ce qui est impossible), encore ne faut-il pas, pour un intérêt de peu de valeur et périssable, s'attirer un supplice impérissable et éternel. Vous guérirez le corps pour perdre l'âme? Votre marché n'est pas bon : vous irritez Dieu qui a fait le corps, et vous implorez pour votre guérison celui qui vous dresse des embûches? Mais un homme superstitieux vous entraînera facilement, par cette même science médicale, à adorer les dieux des Gentils. Les païens ont souvent guéri beaucoup de maladies par leur art, et rendu à la santé des gens infirmes. Quoi donc? Faut-il pour cela participer à l'idolâtrie? A Dieu ne plaise ! Entendez ce que Moïse dit aux Juifs : S'il s'élève au milieu de vous un prophète, quelqu'un ayant un songe, et qu'il donne un signe ou un prodige, et que le signe ou le prodige annoncé arrive, et que cet homme prenne la parole pour vous dire : Allons et adorons des dieux étrangers que n'ont pas connus nos pères, vous n'écouterez pas la voix du prophète ou du songeur. (Deut. XIII, 1.) Cs qu'il veut dire, le voici : S'il s'élève un prophète, et qu'il fasse un miracle, ou ressuscite un mort, ou purifie un lépreux, ou guérisse un infirme, et qu'en faisant le miracle, il vous invite à l'impiété, ne vous laissez pas persuader par l'accomplissement du miracle. Pourquoi? Parce que le Seigneur votre Dieu vous tente pour savoir si vous l'aimez de tout votre coeur et de toute votre âme. (Ibid. V, 3.) Il est certain que les démons ne guérissent pas. Que si, quelquefois, avec la permission de Dieu, ils parviennent, comme les hommes eux-mêmes, à guérir quelqu'un, cette permission leur est donnée pour vous éprouver, non parce que Dieu ignore quoi que ce soit, mais pour que vous appreniez à repousser tous les démons, même ceux qui guérissent.
Mais que parlé-je de la guérison du corps? Si quelqu'un vous menaçait de l'enfer pour vous porter à renier Jésus-Christ, vous ne devriez pas consentir à le faire. Si quelqu'un vous promettait la royauté, pour vous faire renoncer au Fils unique de Dieu, repoussez-le, haïssezle, soyez disciple de Paul, et montrez-vous fidèle à ces paroles, à ce cri poussé par cette bienheureuse et grande âme : Car, je suis persuadé, dit-il, que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les puissances, ni les choses présentes, ni les choses futures, ni la hauteur ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de la charité de Dieu qui est en Jésus-Christ Notre-Seigneur (Rom. VIII, 38, 39). Ni les anges, ni les puissances, ni les choses présentes, ni les choses futures, ni une autre créature ne le sépare de la charité de Jésus-Christ, et vous, la guérison du corps vous porte à y renoncer? Quel pardon pouvez-vous donc espérer? Il faut, certes, que Jésus-Christ nous soit plus redoutable que l'enfer, et plus désirable que la royauté; et, quand nous serions malades, il, vaut mieux que nous demeurions dans notre infirmité que de tomber dans l'impiété, pour être délivrés de la maladie. Quand le démon nous aurait guéris, il nous serait plutôt nuisible qu'utile. A la vérité, il a été utile au corps, qui doit peu après mourir tout à fait et tomber en pourriture, mais il a nui à l'âme qui est immortelle. De même que souvent les marchands d'esclaves présentent aux petits enfants des friandises, des gâteaux, des osselets et autres objets semblables, pour les attirer par cette amorce, et les priver de la liberté et même de la vie; ainsi les démons promettent la guérison d'un membre, pour perdre complètement et à jamais la santé de l'âme. Nous, mes bien-aimés, rejetons de telles promesses, et cherchons avant tout à nous préserver de l'impiété. Est-ce que Job n'aurait pas pu, cédant aux sollicitations de sa femme, blasphémer contre Dieu, et se délivrer de l'adversité qui l'opprimait? Car, lui disait-elle, Dis une parole contre Dieu, et finis-en. (Job, II, 9.) Mais il aima mieux souffrir, se consumer et endurer l'affreuse plaie qui couvrait tout son corps que de se délivrer par le blasphème des maux qui l'accablaient. Imitez-le ; vous êtes affligés, le démon vous offre son concours pour sortir de l'épreuve que vous subissez, ne vous laissez pas persuader, et, à l'exemple de cet homme juste que sa femme ne put persuader d'offenser Dieu, repoussez les suggestions flatteuses du démon ; supportez patiemment une maladie corporelle, plutôt que de perdre la foi et le salut de votre âme. Dieu ne vous abandonne pas, il veut épurer de plus en plus votre vertu au creuset de la souffrance. Supportez-la donc avec persévérance, afin que vous entendiez cette parole : Crois-tu que je t'aie rendu un oracle pour une autre cause, que pour te faire paraître juste. (Job, XI., 3.)