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Mais quelle nécessité, dites-vous, avaient-ils de cette étoile, puisqu’ils savaient déjà le lieu de la naissance de Jésus-Christ? Ce n’était plus pour apprendre simplement la ville, mais pour savoir en particulier le lieu où pouvait être cet enfant. Car la maison où il était n’avait rien de grand, et sa mère n’avait rien qui attirât les regards et l’attention. Il fallait donc que l’étoile s’arrêtât sur le toit de la maison. C’est pourquoi ils la revoient en sortant de Jérusalem, et elle ne s’arrête plus qu’elle ne soit arrivée sur l’étable, et qu’elle n’ait ajouté un miracle à un miracle, le miracle de l’adoration des mages au miracle des mages guidés par une étoile, Ce double miracle me paraît si grand qu’il devait, ce me semble, attirer à Jésus-Christ des âmes de pierre. Si les mages eussent dit qu’ils avaient appris cette naissance des prophètes, ou que les anges la leur avaient annoncée, on ne les aurait pas crus, mais l’apparition d’une étoile dans le ciel était un prodige capable de fermer la bouche aux plus impudents. Lorsque l’étoile fut au-dessus du Sauveur, elle s’arrêta encore une fois; or c’est une puissance qui n’est point ordinaire aux astres, de se cacher et de paraître de nouveau, et de s’arrêter lorsqu’elle paraît. A cette vue sans doute les mages sentirent croître leur foi. Ils se réjouirent d’avoir trouvé enfin celui qu’ils avaient tant cherché, d’avoir été les prédicateurs de la vérité, et de n’avoir pas entrepris inutilement un si long voyage et cette joie naissait de l’amour dont ils brûlaient pour Jésus-Christ.
L’étoile s’arrêta sur la tête de l’enfant, pour apprendre qu’il était le Fils de Dieu. Elle porte à l’adorer non de simples étrangers, mais les plus sages d’entre eux. Ainsi vous voyez avec combien de raison l’étoile leur a paru de nouveau, puisqu’ils ont eu besoin d’elle après même le témoignage des prophètes, et les instructions qu’ils avaient reçues des scribes et des princes des prêtres.
Que l’hérétique Marcion, que l’impie Paul de Samosate rougissent, eux qui n’ont pas voulu reconnaître ce qu’ont vu les mages, ces premiers Pères de 1’Eglise. Car je ne rougis point de les appeler de la sorte. Que Marcion soit couvert de honte, en voyant un Dieu adoré en sa chair, et que l’impie Paul soit confondu, en voyant adoré comme Dieu Celui qu’il ne croit qu’un homme. Les langes et la crèche font assez voir qu’il est homme; mais l’adoration que les mages lui rendent, fait voir qu’il est plus qu’un homme. Ils montrent assez qu’il est Dieu, en lui offrant dans soir enfance même des présents qu’on ne peut offrir qu’à Dieu. Que les Juifs rougissent aussi avec eux, en voyant- que des barbares et des mages les devancent, et qu’ils n’ont pas même assez de foi pour les suivre. Mais ce qui se passait alors était une figure de l’avenir, qui marquait que les gentils préviendraient dans la foi le peuple juif.
Pourquoi donc, me direz-vous, Jésus-Christ ne dit-il pas d’abord à ses apôtres : « Allez, enseignez toutes les nations (Matth. XXVIII, 19.), » et qu’il réserve ce commandement à la fin de sa vie? C’est parce que ce qui est arrivé aux mages (57) était, comme j’ai dit, une prédiction de l’avenir. Il était plus juste que ce fût d’abord le peuple juif qui embrassât la foi de Jésus-Christ. Mais ce peuple ayant volontairement renoncé à la grâce qui lui était offerte, Dieu a changé l’ordre des choses. Ce n’était pas sans doute l’ordre le plus naturel que les mages adorassent Jésus-Christ avant les Juifs ; que dés hommes si éloignés prévinssent ceux qui avaient cet enfant au milieu d’eux; et que des étrangers qui n’avaient rien entendu de ces mystères, eussent l’avantage sur ceux qui avaient été nourris dans la connaissance des prophètes. Mais parce qu’ils n’ont pas connu le trésor qu’ils avaient reçu de Dieu, les Perses le leur ont ravi au milieu même de Jérusalem.
C’est ce que saint Paul leur reproche: « C’était à vous, » dit-il, « qu’on devait annoncer d’abord la parole de Dieu , mais puisque vous vous en êtes jugés indignes, nous nous tournons vers les gentils. » (Act. XIII, 46. ). Quelque incrédulité qu’ils eussent témoignée jusqu’alors, ils devaient au moins, après avoir vu les mages, suivre leur exemple et courir à Jésus-Christ. Mais ils ne l’ont pas voulu ; et les mages les préviennent et se hâtent d’aller au Sauveur , pendant que les autres sont assoupis d’un profond sommeil.