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Après avoir montré combien est grande la récompense de la vie spirituelle, qu'elle fait habiter le Christ en nous, qu'elle vivifie les corps morts, qu'elle donne des ailes pour s'élever vers le ciel, qu'elle rend plus facile le chemin de la vertu, il en déduit nécessairement un avertissement, et dit : Donc nous ne devons pas vivre selon la chair. Ce n'est cependant point ainsi qu'il s'exprime : son langage est plus vif et plus ferme : bous sommes redevables à l'Esprit ; car c'est là évidemment le sens de ces mots : « Nous ne sommes point redevables à la chair ». C'est ce qu'il démontre partout, en faisant voir que les dons de Dieu n'étaient point dus, mais sont de purs effets de la grâce ; et que ce que nous avons fait ensuite n'est point libéralité, mais simple dette. Car c'est là ce qu'il entend, quand il dit « Vous avez été achetés chèrement; ne vous faites point esclaves des hommes » .(I Cor. VII, 23); et: « Vous n'êtes plus à vous-mêmes ». (1 Cor. vi, 19.). Ailleurs il s'exprime encore là-dessus en ces termes : « Parce que si un seul est mort pour tous, donc lotis sont morts ; « et le Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux ». (II Cor. V, 14, 15.) Ici il rend la même pensée par ces expressions : « Nous sommes redevables ». Après avoir dit : « Nous ne sommes point redevables à la chair », de peur que vous ne l'entendiez de la Rature même de la chair, il ne se fait point là-dessus, et ajoute : « Pour vivre selon la chair ». Au fait nous devons à la chair bien des choses : la nourriture, l'entretien, le repos, les remèdes dans ses maladies, le vêtement et mille autres soins encore. De peur donc que vous ne vous imaginiez que son intention est de supprimer ces devoirs, quand il dit : « Nous ne sommes point redevables à la chair », il interprète lui-même sa pensée en disant : « Pour vivre selon la chair ». Je retranche, nous dit-il, tous les (297) soins qui conduisent au péché, mais je veux tout ce qui est nécessaire à l'entretien : et c'est ce qu'il exprime plus bas. En effet, après avoir dit qu'il ne faut point avoir souci de la chair, il ne s'en tient pas là, mais il ajoute : « Pour les passions », ce qui signifie encore ici Qu'on lui donne des soins, nous les lui devons : mais ne vivons pas selon la chair, c'est-à-dire, ne lui abandonnons pas l'empire sur notre vie. C'est à elle de suivre , et non de commander ; elle ne doit point régler notre vie, mais recevoir les lois de l'Esprit.
Après avoir fixé ce point, et prouvé que nous sommes redevables à l'Esprit, voulant montrer de quels bienfaits, il ne mentionne pas (et c'est ici surtout qu'il faut admirer sa prudence), il ne mentionnera, dis-je, les biens passés, mais les biens à venir. Pourtant les premiers en valaient bien la peine ; néanmoins il n'en dit rien, il né rappelle point ces ineffables bienfaits, et ne parle que de l'avenir. C'est que d'ordinaire un bienfait passé fait moins d'impression sur la foule qu'un bien à venir et qu'un bien en expectative. Après avoir ainsi complété sa pensée, il lés attriste d'abord et les effraie, en leur rappelant les maux qu'engendre .la vie selon la chair : « Car si c'est selon la chair que vous vivez, vous mourrez », faisant allusion. à la mort éternelle, au châtiment et au supplice de l'enfer. Et même à y regarder de près, l'homme qui vit selon la chair est mort déjà dès cette vie, comme nous vous l'avons démontré dans le discours précédent. « Mais si, par l'esprit, vous mortifiez les oeuvres de la chair, vous vivrez ». Voyez-vous qu'il ne parle pas de la nature du corps, mais des oeuvres de la chair? En effet, il ne dit pas: Si par l'esprit vous mortifiez la nature du corps, vous vivrez; niais « Les oeuvres » ; non pas même toutes les oeuvres, mais les mauvaises, comme la suite le fait voir : Si vous faites cela, dit-il, vous vivrez. Et comment cela pourrait-il se faire, s'il s'agissait de tous les actes ? Car voir, entendre, marcher, sont des actions du corps, et si nous devions les mortifier, nous éteindrions en bous la vie jusqu'à nous rendre coupables d'homicide. Quelles sont donc les actions qu'il nous dit de mortifier ? Celles qui nous portent au mal, celles qui tendent au vice et qui ne peuvent se mortifier que par l'Esprit. Mortifier les autres ce serait vous suicider, ce qui n'est point permis ; mais celles-ci seulement doivent être mortifiées par l'Esprit : quand l'Esprit est là, tous les flots sont apaisés, les passions sont comprimées , plus rien. ne se révolte en nous. Voyez-vous, ainsi que je le disais tout à l'heure, comme il nous excite par l'espoir des biens à venir, et montre que nous ne sommes pas seulement redevables pour les bienfaits passés ? La rémission des fautes passées, nous dit-il, n'est pas le seul bienfait de l'Esprit , mais il nous assure encore la possession des biens futurs et nous rend dignes. de la vie éternelle. Il y ajoute encore une autre récompense , en disant : « Car tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. (4) ».