4.
Mais pourquoi l'apôtre ne mentionne-t-il pas d'autres péchés, comme par exemple l'homicide, l'avarice, et ne parle-t-il que de l'impureté? Il me semble faire ici allusion à ceux qui l'écoutaient alors, et à ceux à qui s'adressaient sa lettre. « A l'impureté, en sorte qu'ils ont déshonoré leurs propres corps en eux« mêmes ». Voyez la force de ces expressions. Ils n'ont pas eu besoin, dit-il, que d'autres les déshonorassent; ils se sont traités eux-mêmes comme les eussent traités des ennemis. Puis remontant encore à la cause, il ajoute : « Eux qui ont transformé la vérité de Dieu en mensonge, adoré et servi la créature plutôt que le Créateur (25) ». Il parle en particulier de ce qu'il y avait de plus ridicule, et en général de ce qui semblait plus sérieux, mais par l'un et par l'autre il montre que le culte de la créature était le propre des Grecs. Et voyez comme il explique sa pensée. Il ne dit pas simplement : ils ont adoré la créature, mais il ajoute : « Au lieu du créateur » ; faisant ressortir par là la gravité du crime et leur ôtant par ce rapprochement tout espoir de pardon.
« Qui est béni dans les siècles. Ainsi soit-il ». Mais Dieu n'en a point souffert, ajoute-t-il; car il est béni dans les siècles. Il montre ici que si Dieu les a abandonnés, ce n'est point pour se venger, puisqu'il n'a éprouvé aucun dommage. S'ils lui ont fait injure, leur injure ne l'a point atteint; sa gloire n'en a point été diminuée, mais il demeure toujours béni. Car si souvent un philosophe ne souffre point des injures qu'on lui adresse, à bien plus forte raison Dieu, nature indestructible et immuable, gloire invariable et immortelle. Et c'est en cela que les hommes ressemblent à Dieu, quand ils ne souffrent point des outrages, des injures, des coups, des railleries dont on les poursuit. Et comment cela se peut-il, direz-vous? Cela est possible, très-possible : c'est en ne s'affligeant point de ces accidents. Et comment, dites-vous encore, ne pas s'en affliger? Eh ! comment peut-on s'en affliger au contraire? Dites-moi : si votre petit enfant vous injuriait, prendriez-vous ses injures pour des injures? Vous en affligeriez-vous? Pas le moins du monde; autrement, ne seriez-vous pas ridicule au dernier point? Soyons dans les mêmes dispositions à l'égard du prochain, et nous n'éprouverons rien de fâcheux, (ceux qui injurient ont moins de raison que des enfants) ; ne cherchons point à éviter les injures, supportons courageusement celles qu'on nous adresse, car (208) c'est là le véritable honneur. Pourquoi? parce que vous êtes le maître de souffrir l'injure, et un autre est maître de vous l'infliger. Ne voyez-vous pas le diamant renvoyer les coups dont on le frappe? mais, direz-vous, c'est sa nature. Vous pouvez par volonté devenir ce qu'il est par nature. Quoi, n'avez-vous pas vu les trois enfants rester sains et saufs dans la fournaise ? Daniel ne rien souffrir dans la fosse aux lions? Cela peut se reproduire encore aujourd'hui, car nous avons encore des lions, la colère, la concupiscence, armés de dents terribles et prêts à déchirer leurs victimes. Soyez donc semblable à Daniel , et ne souffrez point que les passions portent la dent sur votre âme. Mais, direz-vous, la grâce faisait tout chez Daniel. C'est vrai, mais soit parce que sa volonté la dirigeait. En sorte que si nous voulons lui ressembler, la grâce est encore là pour nous aider; et quoique tourmentées par la faim les bêtes féroces ne vous toucheront pas. Si elles ont respecté le corps d'un esclave, comment ne s'apaiseraient-elles pas à la vue des membres du Christ? (Car, en qualité de fidèles, nous sommes les membres du Christ). Si donc elles ne s'apaisent pas, la faute en est à ceux qui deviennent leur proie. Il en est, en effet, beaucoup qui fournissent une abondante pâture à un lion, en entretenant des femmes perdues, en commettant l'adultère, en se vengeant de leurs ennemis; en sorte qu'ils sont déjà déchirés avant de toucher le sol. Cela n'arriva point à Daniel, et ne nous arrivera point non plus si nous le voulons; nous serons même encore plus favorisés que lui.
En effet les lions se sont contentés de ne point lui nuire; mais nos ennemis nous seront utiles, si nous veillons sur nous. Ainsi Paul sortit glorieux des injustices et des embûches qu'on lui tendait; ainsi Job accablé de coups, Jérémie jeté dans une fosse pleine de boue, Noé au milieu du déluge, ainsi Abel attiré dans un piége, ainsi Moïse parmi les Juifs altérés de sang, ainsi Elisée, ainsi, dis-je, tous ces grands hommes ont gagné leur brillante couronne, non au sein du repos et du plaisir, mais parmi les afflictions et les épreuves. Aussi le Christ connaissant ce principe de gloire, disait-il à ses disciples : « Dans le a monde vous aurez des tribulations; mais ayez confiance: j'ai vaincu le monde ». (Jean, XVI, 33.) Quoi donc? direz-vous, un grand nombre n'ont-ils pas succombé à l'adversité? Oui, mais par leur lâcheté, et non par la nature même des épreuves. Que celui donc qui nous fait tirer profit de la tentation en sorte que nous puissions y résister, nous assiste tous et nous tende la main afin que, glorieusement proclamés, nous obtenions les couronnes éternelles, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec qui appartiennent au Père et au Saint-Esprit la gloire, l'honneur, la force, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.