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Après avoir dit que rien ne manque au Gentil pour se sauver, s'il observe la loi , et avoir établi son admirable comparaison, il expose les avantages des Juifs et ce qui leur inspirait de l'orgueil par rapport aux Grecs. Et d'abord leur nom, qui était très-respectable, comme l'est maintenant celui du christianisme, et qui à lui seul formait une grande différence : aussi commence-t-il par là. Et voyez comme il montre le néant de cet avantage. Il ne dit pas : Toi qui es Juif, mais, « toi qui portes le nom de Juif et te glorifies en Dieu », c'est-à-dire, comme objet de son amour et son privilégié entre tous les hommes. Il me semble ici les railler légèrement de leur orgueil et de leur grande vanité, en ce qu'ils ne profitaient point du don pour leur salut, mais en abusaient pour s'élever au-dessus des autres et les mépriser. « Et qui connaît la volonté de Dieu et discerne ce qui est le plus utile ». Sans les oeuvres, c'est là un défaut. Et pourtant cela semblait un avantage : Aussi fait-il soigneusement là distinction. Il ne dit pas : qui fais, mais, « Qui connais et discernes », sans pratiquer, sans agir. « Tu te flattes d'être le guide des aveugles ». Ici encore il ne dit pas : Qui es le guide des aveugles, mais . « Qui te flattes », qui te vantes de l'être : car la présomption des Juifs était grande. Aussi emploie-t-il à peu près les expressions dont les Juifs se servaient eux-mêmes dans leur jactance. Voyez dans les Evangiles ce qu'ils disent: « Tu es né tout entier dans le péché et tu nous enseignes ? ». (Jean, IX, 34.). Et ils se montraient fiers à l'égard de tout le monde. C'est ce que Paul continue à leur reprocher, en élevant les Gentils et en les abaissant eux-mêmes, afin de mieux les atteindre et de donner plus de poids à son accusation.
Aussi va-t-il encore plus loin en variant ses expressions. « Tu te flattes d'être le guide des aveugles, la lumière de ceux qui sont dans les ténèbres, le docteur des ignorants, le maître des enfants , ayant la règle de la science et de la vérité dans la loi ». Il ne dit pas : Dans la conscience, dans les actions, dans les bonnes oeuvres, mais : « Dans la loi». Et après avoir dit cela, il fait ce qu'il a fait pour les Gentils. En effet, comme il a dit plus haut . « En jugeant autrui, tu te condamnes toi-même », de même il dit ici : « Toi donc qui instruis les autres, tu ne t'instruis pas toi-même ? » Mais là il a été plus sévère, ici il est plus doux. Il ne dit point : Et pour cela tu mérites un plus grand châtiment, parce que tu n'uses convenablement d'aucun des grands biens qui t'ont été confiés; mais (223) il procède par interrogation pour les faire rougir et dit : « Toi donc qui instruis les autres, tu ne t'instruis pas toi-même? » D'autre part voyez encore la prudence de Paul ! Il rappelle ceux des privilèges des Juifs qui n'étaient point le résultat de leur zèle, mais des dons d'en-haut, et fait voir que non-seulement ils sont inutiles à ceux qui les négligent, mais qu'ils entraînent une aggravation dans le châtiment. Car ce n'est point â cause de leurs mérites qu'ils sont appelés Juifs , qu'ils ont reçu la loi, et tous, les autres bienfaits énumérés plus haut ; mais c'est un effet de la grâce divine. Dès l'abord il avait dit qu'il né sert à rien d'avoir écouté la loi, si on ne la pratique : « Ce ne sont que ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu ».
Maintenant allant beaucoup plus loin, il fait voir que non-seulement l'audition, mais (ce qui est bien plus que l'auditions) l'enseignement même de la loi ne sert de rien au maître, s'il ne pratique ce qu'il enseigne; que non-seulement cet enseignement ne servira à rien, mais attirera un plus grand châtiment. Et il choisit à propos ses expressions, il ne dit pas : « Tu as reçu-la loi, mais : « Tu te reposes sur la loi », car le Juif n'était point obligé de courir çà et là et de chercher ce qu1l avait à faire, il trouvait sans peine dans la loi le chemin qui conduit à la vertu. Si les Gentils ont le raisonnement naturel, par où ils l'emportent sur les Juifs; puisqu'ils accomplissent tout sans avoir entendu aucun précepte positif, il n'en est pas moins vrai que ceux-ci ont. plus de facilité. Si vous dites . Je n'écoute pas seulement, mais j'enseigne, vous ne faites qu'ajouter une raison de plus pour être puni. Et comme leur orgueil s'en gonflait, il leur montre qu'il n'en sont que ridicules. En effet, quand il dit : « Guide des aveugles, docteur des ignorants, maître des enfants », il fait allusion à leur orgueil, car ils abusaient étrangement de leurs prosélytes (c'était le nom qu'ils leur donnaient).