3.
Il passe donc à une autre comparaison et dit : « Qui plante une vigne et ne mange pas de son fruit? » Ici il désigne les dangers, les travaux, les misères de toute sorte, les sollicitudes. Il ajoute un troisième exemple, en disant : « Qui paît un troupeau et ne mange point du lait du troupeau ? » Il indique le soin extrême que met un maître à instruire ses disciples. Et en effet les apôtres étaient soldats, laboureurs et pasteurs, non laboureurs de terre, ni pasteurs d'animaux, ni soldats se battant contre des ennemis sensibles; mais pasteurs d'âmes raisonnables et soldats luttant contre les démons. Observons encore quelle mesure il garde en toute chose : se bornant à ce qui est utile et laissant le superflu. Il ne dit pas en effet : Qui fait la guerre et ne s'enrichit pas? mais : « Qui jamais fait la guerre à ses frais ? » Il ne dit pas: Qui plante une vigne et n'en recueille pas de l'or ou n'en mange pas tout le fruit? mais : « Et ne mange pas de son fruit? » Il ne dit pas: Qui paît un troupeau et n'en vend pas les agneaux ? mais que dit-il? « Et ne mange point de son lait?» Non pas de ses agneaux, mais de son lait: pour montrer que le maître doit se contenter d'une (429) légère consolation et du strict nécessaire en fait de nourriture. Ceci s'adresse à ceux qui veulent tout manger et recueillir tous les fruits. Telle est la loi posée par le Seigneur, quand il a dit : « L'ouvrier mérite sa nourriture ». (Matth. X, 10.) Non-seulement il le prouve par des exemples, mais il fait aussi voir ce que doit être un prêtre. Le prêtre doit avoir le courage du soldat , l'assiduité du laboureur, la vigilance du berger, et, après cela, se contenter du nécessaire.
Après avoir montré par l'exemple des apôtres, puis par des comparaisons tirées de la vie commune, qu'il n'est pas défendu à un maître de recevoir de ses disciples, il passe à un troisième point et dit : « N'est-ce pas selon l'homme que je dis ces choses? La loi même ne les dit-elle pas? » Jusqu'ici en effet il n'a point parlé d'après les Ecritures , et s'est contenté de s'appuyer sur l'usage commun. Mais ne pensez pas, dit-il, que ce soient là mes seules raisons , ni que je me règle d'après la coutume des hommes, je puis vous montrer que c'est là aussi la volonté de Dieu , et je lis ce commandement dans l'ancienne loi. Voilà pourquoi il procède par interrogation , ce qui a lieu quand la chose est connue et avouée de tous : « N'est-ce pas selon l'homme que je dis ces choses? » C'est-à-dire : Est-ce que je m'appuie uniquement sur des principes humains? « La loi même ne le dit-elle pas? Car il est écrit dans la loi de Moïse : Tu ne lieras pas la bouche au bœuf qui foule les grains ». Et pourquoi rappelle-t-il cela, puisqu'il a l'exemple des prêtres? C'est pour prouver surabondamment sors sujet. Ensuite pour qu'on ne dise pas : Que nous importe ce qu'on a pu dire des boeufs? Il entre dans le détail en disant : « Est-ce que Dieu a soin des boeufs? » Eh quoi? Dieu n'aurait pas soin des boeufs? Certainement et il en a soin , mais non au point de faire une loi pour eux. Aussi, s'il n'avait eu quelque chose d'important en vue, à savoir, de porter les Juifs à la bienfaisance et de leur parler de leurs prêtres à l'occasion des animaux, il n'eût pas pris la peine de faire une loi pour empêcher de lier la bouche aux boeufs.
Paul fait encore voir par là autre chose , les grands travaux auxquels les maîtres se livrent et doivent se livrer; puis une autre chose encore. Laquelle? Que tout ce qui est écrit dans l'Ancien Testament sur les soins à donner aux animaux , tend surtout à l'instruction des hommes , aussi bien que tout le reste, par exemple ce qu'on dit des divers vêtements, des vignes, des semences, de la terre dont il ne faut point changer la semence 1, de la lèpre, et de toute autre chose. Comme il s'adresse à des esprits encore trop grossiers, il cherche à les élever peu à peu. Et voyez comme il ne donne plus d'autre preuve, vu que la chose est évidente et claire par elle-même. Après avoir dit : « Est-ce que Dieu a soin des boeufs? » Il ajoute : « N'est-ce pas plutôt uniquement pour nous qu'il dit cela?» Ce n'est pas sans raison qu'il dit : « Uniquement », pour ne pas laisser chez l'auditeur la moindre place ,à la contradiction. Et continuant sa métaphore il dit : « Car c'est pour nous qu'il a été écrit : Que celui qui laboure doit labourer dans l'espérance », c'est-à-dire, que le maître doit recevoir le salaire de ses travaux. « Et celui qui bat le grain dans l'espérance d'y avoir part ». Et voyez sa prudence ! De la semaille il passe à l'aire, pour rappeler encore les travaux des maîtres, qui sèment aussi et battent le grain. Au labour, qui n'offre que le travail et point de fruit, il rattache seulement l'espérance; mais au battage dans l'aire il accorde un profit, en disant : « Et celui qui bat le grain a l'espérance d'y avoir part ».
Je suppose que c'est une allusion au texte de Lévitique, chap. XIX, 19. ↩
