1.
Après les avoir consolés par la gratuité du don, par cette réflexion que tous les dons proviennent d'un seul et même Esprit, par cette réflexion que les dons ont été faits en vue de l'utilité, par cette réflexion que les moindres dons suffisent à manifester l'Esprit; après avoir fermé la bouche aux contradicteurs, en disant qu'il faut céder à la souveraine puissance de d'Esprit, puisque, « c'est un seul et même Esprit », dit-il, « qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun ses dons, selon qu'il lui plaît », et voilà pourquoi il ne faut pas d'indiscrète curiosité ; après ces paroles, il les console encore par un exemple tiré de la vie commune, il prend à témoin la nature même, selon son habitude. Ainsi, lorsqu'il discourait sur la chevelure des hommes et celle des femmes, après certaines considérations, il en vient à cette raison : « La nature a même ne vous enseigne-t-elle pas qu'il serait honteux à un homme de laisser toujours croître ses cheveux, et qu'il est, au contraire, honorable à une femme de les a laisser toujours croître? » (I Cor. XI, 14, 15). Quand il parlait des viandes consacrées aux idoles, pour défendre d'y toucher, il ajoutait à des preuves inhérentes au sujet des réflexions empruntées du dehors; il rappelait les combats olympiques : « Ne savez-vous pas que, quand on court dans la carrière, tous « courent, mais un seul remporte le prix? » (Ibid. IX, 24.) Et il demande des preuves aux bergers, aux soldats, aux agriculteurs.
Il fait de même ici ; il emprunte à la vie commune un exemple puissant pour montrer que personne n'a moins reçu que les autres, vérité étonnante, difficile à prouver, bien faite cependant pour réconforter les âmes simples ; cet exemple il l'emprunte au corps humain. Rien de plus propre à consoler celui qui est faible et qui se croit moins bien gratifié, que d'apprendre qu'eu réalité il n'est pas moins bien partagé que les autres. Voilà ce que l'apôtre veut établir par ces paroles : « Comme notre corps n'étant qu'un, est composé de plusieurs membres ». L'apôtre fait preuve ici d'une intelligence parfaite; il montre que le même corps est à la fois un et multiple, et il ajoute, en insistant sur ce qu'il se propose : « Et, bien qu'il y ait plusieurs membres, ils ne sont tous néanmoins qu'un même corps ». Il ne dit pas : Bien qu'il y ait plusieurs membres, ils appartiennent tous à un même corps; mais il dit : Ils sont tous ce même corps; ce (496) même corps et tous ces membres, c'est un seul et même tout. Eh bien donc, si tous ne font qu'un, si le corps unique et tous les membres ne sont qu'un seul et même tout, où est la différence, où est le plus, où est le moins? « Ils ne sont tous », en effet, dit-il, « qu'un même corps ». Et non-seulement ils ne sont qu'un même corps, mais, en serrant, la réalité de plus près, eu égard à ce corps, en' tant qu'ils sont un corps, tous se trouvent ne faire qu'un. Et maintenant, eu égard aux parties, s'il y a différence, cette différence, dans toutes les parties, est semblable. En effet, il n'y a pas aine partie capable par elle-même de constituer le corps.; dans chacune des parties, égale défaillance, même insuffisance à former le corps, parce qu'il faut entre elles 1'union. Ce n'est que quand beaucoup de parties né forment qu'un seul tout, qu'il y a un seul et même corps. Voilà ce que l'apôtre insinuait par ces paroles : « Et, bien qu'il y ait plusieurs membres, ils ne sont tous néanmoins qu'un même corps ». Et il ne dit pas : Les plus grands et les moindres, il dit : « Rien qu'il y ait plusieurs membres ». La pluralité s'applique à tous les membres. Et comment peut-il se faire qu'ils ne soient qu'un ?.Vous n'avez qu'à négliger la différence pour considérer le corps. Ce qu'est l'oeil, le pied l'est aussi, à savoir qu'ils sont également des membres, et qu'ils font le corps; il n'y a en effet, ici, aucune différence, et vous ne sauriez dire que tel membre, par,lui-même, constitue le corps; que tel autre n'en fait pas autant ; il y a à cet égard parité entre tous les membres, parce que tous ne font qu'un même corps.
Après cette démonstration tirée de la nature qui ne pouvait être contestée de personne, l'apôtre ajoute : « Il en est de même du « Christ ». Il aurait dû dire : Il en est de même de l'Église, car c'était la conséquence naturelle; il ne le dit pas. Au lieu de l'Église, il met le Christ, afin d'élever son discours et de faire, sur l'auditeur, une plus profonde impression. Ce qu'il dit revient à ceci : Ainsi en est-il du corps du Christ qui est l'Église. En effet, de même que le corps et la tête ne font qu'un homme ; de même, et l'Église et le Christ, ne font qu'un. Voilà pourquoi il a mis le Christ au lieu de l'Église, appelant ainsi son corps. Donc, dit-il, de même que notre corps n'est qu'un corps, quoiqu'il soit composé de beaucoup de, membres,; de même, dans l'Eglise, nous ne faisons qu'un, tous tant que nous sommes; bien qu'elle se compose d'un grand nombre de membres, de ce grand nombre de membres ne résulte qu'un corps, Après avoir ainsi consolé, redressé celui qui se croyait moins bien partagé , il passe des cette preuve tirée d'un exemple familier à une considération spirituelle encore plus consolante, et qui démontre la parfaite égalité dans l'honneur. Quelle est cette considération? « Car », dit-il, « nous avons tous été baptisés dans le même Esprit, pour n'être tous ensemble qu'un même corps, Juifs ou gentils, esclaves ou libres (13) ». Voici ce qu'il veut dire : Ce qui a fait de nous un seul corps, ce' qui, nous a régénérés, c'est un seul et même Esprit; car tel de nous n'a pas été baptisé dans un Esprit; tel autre, dans un autre Esprit; non-seulement ce qui- nous a baptisés, est un, mais ce en quoi il nous a baptisés, c'est-à-dire, ce pourquoi il nous a baptisés, est un; c'est, non pas pour qu'il y eût des corps différents, c'est, au contraire, pour que tous tant que .nous sommes, nous plissions conserver, entre nous, la parfaite union d'un seul et même corps; et voilà pourquoi nous avons été baptisés: c'est pour que nous soyons tous un seul et même corps, que nous avons été baptisés.
