4.
Ces paroles sont pour vous faire comprendre que vous avez déjà reçu les symboles et les gages de la vie présente et de la vie à venir; de la vie présente, par Adam ; de la vie à venir, par le Christ. Comice les biens les plus précieux ne peuvent être proposés que comme des espérances, l'apôtre tient à montrer que le commencement est déjà réalisé, il fait voir. la racine et la source. Que si la racine et la source sont visibles pour tous, il n'est pas permis de révoquer les fruits en foute. De là ces paroles : « Et le second Adam a été rempli d'un esprit vivifiant». Ailleurs encore il dit : « Vivifiera vos corps mortels par son esprit qui habite en vous ». (Rom. VIII, 11 .) C'est donc l'esprit qui vivifie. Maintenant on aurait pu dire , pourquoi dès les premiers jours a-t-on réalisé ce qui est le moins précieux, pourquoi ce qui concerne l'âme vivante a-t-il reçu un accomplissement plein et entier qui ne s'est pas arrêté . aux prémices, pourquoi, en ce qui concerne l'esprit vivifiant, n'a-t-on reçu que les prémices ; l'apôtre montre que des deux côtés, les principes sont établis. « Mais ce n'est pas le corps spirituel qui a été formé le premier, c'est le corps animal, et ensuite le spirituel (46) ». L'apôtre ne dit pas pourquoi ; il se contente de l'ordre établi par Dieu ; le suffrage des événements lui garantit l'excellence de l'administration des choses par Dieu ; il montre que tout ce qui nous concerne s'avance toujours vers un état meilleur, et il assure par là l'autorité de ses paroles. Si le moindre est arrivé, à bien plus forte raison faut-il attendre ce qui est supérieur.
Donc, puisque nous devons jouir de ces biens si précieux, prenons notre place dans ce bel, ordre, et ne versons pas de pleurs sur ceux qui s'en vont, pleurons ceux qui finissent mal. L'agriculteur ne pousse Ras de gémissements à la vue du grain qui se corrompt, c'est quand il le voit conserver dans la terre sa solidité, qu'il a peur et qu'il tremble; mais, du moment que les semences se décomposent, l'agriculteur, se réjouit. Car c'est le commencement de la semence à venir, cette décomposition. Faisons de même, sachons nous réjouir quand tombe la maison ainsi décomposée, quand un homme est ensemencé. Ne vous étonnez pas. qu'il donne le nom d'ensemencement à la sépulture; car la sépulture vaut mieux encore que l'ensemencement. Après les semences des champs, viennent les morts, les labeurs pénibles, les dangers, les soucis; après la sépulture, si nous avons bien vécu, les couronnes et les prix glorieux; après les semences de la terre, la corruption et la mort; après la sépulture, l'incorruptibilité, l'immortalité, et des biens en foule; dans un de ces ensemencements, ce qui se rencontré, ce sont les embrassements, les plaisirs, le sommeil; dans le dernier de tous, les ensemencements, rien, plus rien qu'une voix descendant des hauteurs du ciel, et soudain toutes choses ont leur accomplissement. Celui qui ressuscite, n'est plus ramené aux fatigues d'une vie d'épreuves, il entre dans cette vie qui ne connaît ni la douleur, ni le deuil, ni,les gémissements. Si, dans l'homme que vous pleurez, ce qui provoque vos regrets, c'est l'appui, c'est le guide, le protecteur perdu, cherchez votre refuge dans le protecteur, dans le sauveur commun, dans le bienfaiteur de tous les hommes, en Dieu, cet invincible compagnon d'armes, cet auxiliaire toujours prêt, toujours présent, qui nous entoure, qui nous défend de toutes parts. Mais les longues liaisons forment des noeuds si aimables et méritent tant. nos regrets ! Je le sais bien ; mais si vous soumettez à la raison les mouvements de votre âme, si votre raison se représente, ô femmes, celui qui vous a repris un époux, si vous faites tous à Dieu, dans vos afflictions, un généreux sacrifice de vos pensées, voilà qui apaisera les orages de vos coeurs, et vous né laisserez pas à faire au temps l’oeuvre de la sagesse; mais si vous vous laissez amollir, le temps adoucira vos douleurs, mais vous ne remporterez aucune récompense.
Outre ces réflexions, rassemblez les exemples que vous donne la vie présente, les exemples des divines Ecritures ; méditez Abraham égorgeant son fils, et cela sans verser de. larmes, sans faire entendre d'amères paroles. Mais, dira-t-on, c'était Abraham. (Gen. XXII). Mais vous, vous êtes appelé à des vertus plus hautes. Quand à Job, il ressentit de la douleur, mais .dans la mesure qui convenait à un bon père, plein de tendresse pour ceux qui n'étaient plus là. Pour nous, la conduite que nous tenons, convient à des ennemis privés, à des ennemis publics. Si, à la nouvelle qu'un homme est élevé à la royauté, couronné, vous alliez vous frapper la poitrine et gémir; je ne dirais pas de vous que vous êtes l'ami de celui qui a reçu la couronne ; je dirais que vous n'avez que haine pour lui, que vous êtes son ennemi déclaré. Mais ce n'est pas sur lui que je pleure, répond l'affligé, c'est sur moi-même. Mais ce n'est pas une preuve d'affection que de vouloir que celui qui vous est cher, soit encore, à cause de vous, exposé aux périls du combat, et dans l'incertitude de l'avenir, quand il va recevoir la couronne et toucher le port; de vouloir le voir encore à la merci des flots, quand il peut , échappé à la- mer, se trouver pour toujours à l'abri. Mais' je ne sais pas, dira-t-on, où il s'en est allé. Pourquoi ne le savez-vous pas? Répondez-moi. Car, soit qu'il ait bien vécu, soit dans le cas contraire, on sait parfaitement où il doit se rendre. C'est justement ce qui me fait gémir, réplique-t-on : il est mort en état de péché. Vain prétexte et mauvaise raison. Si c'est là ce qui vous fait gémir sur celui qui n'est plus, il fallait, pendant sa vie, le réformer, le corriger. En tout cas, vous ne voyez jamais que ce, qui vous intéresse, vous, et non pas ce qui le regarde, lui. S'il est parti en état de péché, pour cette raison même, vous devez vous réjouir; ses péchés sont interrompus ; il n'a pas pu ajouter depuis à la somme de ses agitions mauvaises; . soyez-lui en aide, autant que possible; au lieu de pleurer sur lui,. répandez les prières, les supplications, les aumônes, les offrandes. Ce ne sont par là de chimériques inventions; ce n'est pas inutilement que nous faisons, dans les divins mystères, mention de ceux qui sont partis; que nous nous approchons du sanctuaire , à leur intention; que nous prions l'Agneau qui a enlevé le péché du monde, mais nous espérons qu'il leur en reviendra quelque adoucissement.; ce n'est pas en vain que l'assistant à l'autel, pendant que les redoutables mystères s'accomplissent, s'écrie : Pour tous ceux qui se sont endormis dans le Christ, et pour ceux qui célèbrent leur commémoration. On ne prononcerait pas ces paroles, si l'on ne faisait pas la commémoration de ceux qui ne sont plus. Nos cérémonies ne sont pas des jeux de théâtre; loin de nous ces pensées; n'os cérémonies c'est l'Esprit-Saint. qui les a ordonnées.
