2.
Cela nous .impose davantage, quand on nous donne dg nombreux, spectateurs , et deux-là même à qui l'on a parlé de nous. Et il ne dit pas,: Car j'amène avec moi les Macédoniens; les Macédoniens viennent avec moi; afin qu'on ne suppose pas qu'il le fait exprès; comment s'exprime-t-il? « De peur que si les « Macédoniens viennent avec moi ». C'est-à-dire , cela peut arriver; c'est une chose possible. De cette ;façon, il mettait ses paroles -à l'abri de tout soupçon; et s'il eût tenu un autre langage, il eût rendu les Corinthiens trop jaloux. Voyez comment il les attire non-seulement par des raisons spirituelles, mais encore par des motifs humains. Si vous ne faites par, grand cas de moi, et que vous comptiez sur mon indulgence, songez du moins aux Macédoniens, « de peur que s'ils, viennent, ils ne vous trouvent », non pas; dit-il, de mauvaise volonté, mais seulement « non préparés », n'ayant pas encore tout accompli. Et s'il serait honteux de n'avoir pas apporté votre offrande promptement, imaginez combien vous auriez à rougir, si vous n'en apportiez aucune, ou si elle était trop faible. (119) Ensuite, il leur représente avec douceur en même temps que d'une manière propre à leur, faire impression, ce qui résulterait de cette conduite; et voici en quels termes : « Nous ne soyons (car je ne veux pas dire, vous ne soyez) couverts de confusion ». Puis il met de nouveau un certain tempérament à ses paroles : « De ce que nous nous serons glorifiés ; de vous sous ce rapport ». Non pas qu'il veuille les rendre plus négligents, mais il veut montrer qu'ayant bonne réputation pour le reste, ils doivent encore jouir sur ce dernier point d'une renommée incontestable.
«J'ai donc cru nécessaire d'envoyer par avance nos frères, afin qu'ils préparent cette bénédiction de vos offrandes; de telle sorte qu'elles soient prêtes à titre de bénédiction, et non pas comme arrachées à votre avarice (5) ». C'est la même pensée reprise d'une autre façon; et pour que l'on ne croie pas qu'il tient ce langage au hasard, il va jusqu'à dire que ce voyage n'a pas d'autre motif que de leur épargner la confusion. Vous voyez bien que ces mots : « Il est superflu pour moi de vous écrire », étaient le commencement d'un conseil. Aussi, vous voyez pareillement combien il s'étend sur cette oeuvre de charité. En même temps, on peut dire encore une chose : il eût semblé se contredire en continuant à les entretenir du même objet, après avoir dit que cela était « superflu»; afin donc de ne pas donner prise à cette critique, il passe à d'autres considérations; il leur parle de promptitude, de générosité, de bonne volontés ce qui lui sert même à préparer le résultat qu'il cherche. En effet, ce sont les trois conditions qu'il réclame, et ces points-là, il les a mis en avant tout d'abord : car lorsqu'il disait : « La surabondance de leur joie s'est manifestée dans de nombreuses épreuves de tribulation, et leur profonde pauvreté a été surabondante pour la richesse de leur simplicité (VIII, 2) », cela ne signifiait pas autre chose que : Ils ont donné beaucoup, ils l'ont fait avec joie et avec promptitude; et non-seulement ils n'ont pas été fâchés de donner beaucoup, ils n'ont pas même été contristés -par les épreuves, chose plus pénible pourtant que de faire l'aumône. Et ces paroles-ci : « Ils se sont donnés à nous », montrent de même et leur bonne volonté, et la solidité de leur foi. Et maintenant, il revient encore sur le même sujet. Comme il y a antagonisme entre la libéralité et la bonne volonté, et que souvent tel qui a donné beaucoup en est fâché, et que tel autre donne moins, pour ne pas avoir à souffrir, voyez comme il s'occupe de ces deux sortes de gens et avec la prudence qui lui convient. Il ne dit pas : Il vaut mieux donner peu, et de bon coeur, que beaucoup et par contrainte : non, car il voulait que leurs offrandes fussent à la fois abondantes et faites de bonne grâce. Que dit-il donc? « Afin qu'ils préparent cette bénédiction de vos offrandes de telle sorte qu'elles soient prêtes à titre de bénédiction, et non pas comme arrachées à votre avarice ». Il commence par la condition la plus douce, la moins pesante ce ne doit pas être par contrainte. En effet; dit-il, c'est une bénédiction. Puis, voyez comme sous forme d'exhortation il leur montre bientôt le fruit qui en résulte, et la bénédiction venant combler ceux qui ont donné. C'est par l'expression dont il s'est servi qu'il les a attirés; en effet nul ne donne avec chagrin ce qui est une source de bénédiction. Et non content de cela, il a ajouté : « Et non pas comme arrachées à votre avarice ». N'allez pas croire, veut-il dire, que nous-mêmes, nous recevions cette aumône en gens avides; non, mais c'est afin de vous attirer des bénédictions. Quand on est avide, on donne à contre-coeur; de sorte que celui qui fait l'aumône à contre-coeur, fait un don d'avare.
Ensuite il passe à l'autre point : la largesse dans l'offrande. « Or, je vous dis ceci (6) ». C'est-à-dire, à cette première considération j'en ajoute une seconde. Et laquelle? « Celui qui sème mesquinement, moissonnera mesquinement, et celui qui sème au milieu de la bénédiction, moissonnera au milieu de la bénédiction ». Il ne dit pas : Sordidement, il se sert d'une expression adoucie : celle qui caractérise l'homme parcimonieux. Et il compare l'aumône à des semailles, afin qu'aussitôt cela vous fasse envisager la rétribution, et qu'en songeant à une moisson, vous sachiez que vous recevrez en retour plus que vous n'avez donné. Voilà pourquoi il ne dit pas: Celui qui donne; mais : « Celui qui sème » ; et il ne dit pas non plus : Si vous semez, mais il parle d'une manière générale. Au lieu de dire Abondamment, il emploie cette expression « Au milieu des bénédictions » ; ce qui était bien plus. Puis il se rejette encore sur la première condition, celle de faire l'aumône avec (120) joie : il dit: « Que chacun donne selon la détermination de son coeur (7) ». En effet, nous faisons plus quand on nous laisse libres, que lorsque nous sommes contraints. Aussi insiste-t-il sur ce point; car après ces mots : « Selon la détermination de son coeur », il ajoute : « Non avec chagrin, ni par force ». Et non content même de cela, il y joint encore ce témoignage tiré de l'Ecriture : « Car Dieu aime celui qui donne avec joie». Voyez-vous quelle suite l'apôtre met dans tout cela « Je ne vous dis pas cela par manière de commandement (VIII, 8); » puis : « Et je vous donne en cela un avis » (VIII, 10) ; ensuite : « A titre de bénédiction, et non pas comme arrachées à votre avarice » (IX, 5); et enfin : « Non avec chagrin, ni par force; car Dieu aime celui qui donne avec joie (IX, 7) ». Je crois qu'ici « avec joie » veut dire avec libéralité ; mais il s'est servi de ce mot afin de les porter à donner de bon coeur. En effet, comme l'exemple des Macédoniens, et tous les autres, étaient capables de -les faire donner abondamment, il ne parle pas beaucoup de cette qualité de leurs dons, mais il parle d'une autre: la spontanéité. Car si c'est une oeuvre de vertu, et que toute action provenant de la contrainte perde sa récompense, il est bien fondé à s'y prendre ainsi. Et il. ne se borne pas à des conseils; mais, comme toujours, il fait des voeux pour eux: « Et Dieu », dit-il, « a le pouvoir de vous combler de toute grâce (8) ».