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Après avoir terminé son éloge personnel, il ne s'en tient pas là, il s'excuse encore, il demande qu'on lui pardonne le langage qu'il a tenu, qu'il attribue à la nécessité , non à sa libre détermination. Quelle qu'ait été cependant la nécessité, il se traite d'imprudent. Il a commencé par dire: « Souffrez-moi comme imprudent », et: « Je fais paraître de l'imprudence»; maintenant il supprime le «Comme », le « Je fais paraître », il se traite purement et simplement d'imprudent. Après avoir produit, par ses paroles , le fruit qu'il se proposait, il ne se gêne plus, il ne garde plus de ménagement pour flétrir les fautes de ce genre; il tient à bien démontrer à tous qu'on ne doit. jamais, sans nécessité, se louer soi-même , puisque lui, Paul , nonobstant une nécessité réelle , se traite d'imprudent. Il fait ensuite retomber la responsabilité de ce qu'il a dit, non sur les faux apôtres , mais uniquement sur les disciples. « C'est vous », dit-il, « qui m'y avez contraint ». Car si ces faux apôtres ne faisaient que se glorifier, mais sans vous jeter dans l'erreur, sans vous perdre , je ne me serais pas risqué jusqu'au point de m'abaisser à de pareils discours ; mais ils corrompaient toute l'Eglise, et moi , ne considérant que votre intérêt, j'ai été contraint d'être un imprudent.
Et il ne dit pas : j'ai craint qu'après avoir usurpé la primauté auprès de vous, ils n'en vinssent à répandre leurs doctrines ; quant à cette pensée, il l'a exprimée plus haut par ces paroles : « J'appréhende qu'ainsi que le serpent a séduit Eve, vos esprits aussi ne se corrompent »; dans le passage qui nous occupe en ce moment, l'apôtre parle d'une autre manière, avec plus d'autorité et de puissance; ce qu'il vient de dire lui donne plus de liberté : « Car c'était à vous de parler avantageusement de moi ». Il en dit ensuite la raison et il ne reparle plus de ses révélations; il ne raconte pas seulement les miracles qu'il a opérés , il parle aussi de ses épreuves. «Puisque je n'ai été en rien inférieur aux plus éminents d'entre les apôtres ». Voyez encore ici , comme il parle avec plus d'autorité. Auparavant, il disait : « Je ne pense pas avoir été inférieur en rien »; ici, affirmation absolue, avec la confiance, comme je l'ai déjà dit, que lui donnent les preuves qu'il vient d'énumérer; toutefois, même dans cette circonstance , il ne se départ pas de la modestie qui le caractérise. En effet, on l'entend, comme s'il avait parlé avec orgueil , comme s'il avait exagéré le jugement en sa faveur pour s'être mis au nombre des apôtres, reprendre de nouveau un ton d'humilité : « Encore que je (164) ne sois rien, les marques de mon apostolat ont paru parmi vous (12) ».
Ne regardez pas, dit-il, si je suis misérable et petit, mais seulement si vous n'avez pas trouvé en moi tout ce que vous deviez attendre d'un apôtre. Et il ne dit pas: encore que je sois misérable, mais, ce qui exprime plus d'abaissement encore : « quoique je ne sois rien ». En effet, qu'importé que vous soyez grand, si vous n'êtes utile à personne ? Il ne sert absolument de rien qu'un médecin, par exemple, ait de l'habileté, s'il ne guérit jamais ses malades. Ne recherchez donc pas, dit-il, s'il est vrai que je ne suis rien; mais considérez donc, en ce . qui concerne le bien à vous faire, que je n'ai été inférieur en rien à personne, mais que je vous ai donné la preuve de mon apostolat. Je n'aurais donc pas dû être obligé de parler de moi. Ce n'est pas qu'il sentît le besoin d'être recommandé auprès des hommes; comment aurait-il pu tenir à de pareils titres, lui qui ne comptait pour rien le ciel même pour l'amour de Jésus-Christ ? Mais c'est qu'il était possédé du désir de les sauver. Ensuite, comme on aurait pu lui dire : Et que nous fait à nous que vous n'ayez en rien été inférieur aux plus éminents d'entre les apôtres, il ajoute: « Les marques de mon apostolat ont paru parmi vous, dans toute sorte de patience, et dans les miracles et dans les prodiges ». Ah ! quelle mer d'oeuvres magnifiques franchie d'un bond par lui en ces courtes paroles? Or, voyez ce qu'il met en premier lieu: la patience. Voilà, en effet, la marque de l'apôtre: tout souffrir avec un noble courage. Voilà ce qu'indique une expression si courte; quant aux miracles; qui n'étaient pas des fruits de sa vertu propre, il en parle en plus de mots. Considérez combien de prisons, combien de coups, combien de dangers, combien de piéges perfides, combien d'épreuves il fait entendre ici, combien de guerres intestines, combien de guerres avec les étrangers, combien de douleurs , combien d'assauts renferme ce simple mot de patience ! Et maintenant, par ce mot de miracle, comprenez combien de morts ressuscités, combien d'aveugles guéris, combien de lépreux purifiés , combien de démons chassés! En entendant ces paroles, apprenons, nous aussi, quand la nécessité nous contraint à parler de nous à notre avantage , à couper court le chapitre de nos perfections, à imiter l'apôtre.