7.
Nous venons de rendre grâces aux chaînes de Paul, de montrer combien nous leur sommes redevables: arrêtons ici ce discours, après vous avoir exhortés non-seulement à ne pas gémir des épreuves que vous pouvez avoir à endurer pour le Christ, mais encore à vous en réjouir comme les apôtres, et à vous en glorifier, suivant le mot de Paul : « Je me glorifierai avec délices dans mes infirmités ». Voilà pourquoi il lui fut dit : « Ma grâce te suffit ». (II Cor. XII, 9.) Paul se glorifie de ses fers, et vous êtes fiers, vous, de vos richesses. Les apôtres se réjouissaient d'avoir été jugés dignes de la flagellation, et vous, vous recherchez le repos, la mollesse? Comment donc voulez-vous être récompensés comme eux, si vous suivez une voie tout opposée? « Et maintenant, dit Paul, lié par l'Esprit, je m'en vais à Jérusalem, ignorant ce qui doit m'y arriver; si ce n'est que, dans toutes les villes, l'Esprit-Saint m'atteste que des chaînes et des tribulations m'attendent à Jérusalem ». (Actes, XX, 22, 23.) Pourquoi donc y aller, si des chaînes et des tribulations t'attendent? C'est justement pour cela que j'y vais, répond-il, afin d'être enchaîné pour le Christ, afin de mourir pour lui. Car je suis prêt, non-seulement à porter des fers, mais encore à mourir pour le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Rien de plus fortuné qu'une âme pareille. Où trouve-t-elle sa gloire? Dans les chaînes, les tribulations, les liens, les stigmates... « Je porte dans ma bouche les stigmates du Seigneur Jésus-Christ », dit-il, comme si c'était un glorieux trophée; et encore : « A cause d'Israël, je suis enveloppé de cette chaîne » ; et ailleurs: « Dont j'exerce la légation dans les chaînes ». Qu'est-ce à dire? tu ne rougis point? Tu n'as pas peur de ce monde que tu traverses en prisonnier? Tu ne crains pas que quelqu'un n'accuse ton Dieu de faiblesse? que cela n'empêche quelqu'un de venir à lui? Telles ne sont pas mes chaînes, répond-il elles brillent jusque dans les palais. « En sorte que mes liens sont devenus célèbres dans tout le prétoire; et que plusieurs de nos frères dans le Seigneur, encouragés par mes liens, ont beaucoup plus osé annoncer sans crainte la parole de Dieu». (Philipp. I, l3,14.) Voyez-vous le pouvoir des liens, supérieur à celui des résurrections : ils m'ont vu enchaîné, et n'en sont que plus confiants. Car où il y a des liens, il se passe nécessairement quelque grande chose; où il y a tribulation, il y a nécessairement salut, nécessairement repos, nécessairement oeuvres de grande vertu. C'est quand le diable regimbe, qu'il est frappé; c'est quand il enchaîne les serviteurs de Dieu, que la parole fait le plus de progrès. Et voyez comment partout la même chose arrive. Il est emprisonné, et dans sa prison, voilà ce qui l'occupe : « Dans mes fers », écrit-il. Il est emprisonné à Rome, et convertit beaucoup de personnes : car il n'était pas le seul qui eût confiance : beaucoup d'autres étaient en sécurité grâce à lui. Il est emprisonné à Jérusalem ; chargé de chaînes, il harangue le roi, l'épouvante, effraye son juge qui, dans sa terreur, dit-il, le mit en liberté, et ne rougit pas d'être instruit au sujet de l'avenir par celui qu'il avait enchaîné... Enchaîné sur un vaisseau, il empêche un naufrage et réprime une tempête. Chargé de chaînes, il est assailli par une bête dangereuse qui ne réussit pas à lui faire aucun mal. Il est lié à Rome, et, tout lié qu'il est, il harangue le peuple, il convertit (489) des milliers de personnes; pour toute arme, n'ayant qu'une simple chaîne.
Mais on ne peut plus aujourd'hui se faire enchaîner. On. le peut d'unie autre manière, pour peu qu'on le veuille. Comment cela? Il suffit de commander à ses mains de ne point s'abandonner à la convoitise. C'est de cette chaîne qu'il faut nous lier nous-mêmes : (lue la crainte de Dieu nous tienne lieu de fers. Délions ceux qui sont enchaînés par la pauvreté, par la tribulation. Ouvrir les portes d'une prison, c'est moins méritoire que de mettre en liberté une âme captive; ôter à des prisonniers leurs liens, c'est moins que de délivrer ceux qui souffrent. Dans le premier cas, il n'y a point de récompense promise; dans le second, il y en a d'innombrables. Longue est la chaîne de Paul, car elle a pu nous envelopper tous; oui, longue, et plus magnifique que la première venue des chaînes d'or. Elle attire au ciel, comme au moyen d'une machine, ceux qui en sont enlacés; comme une chaîne d'or suspendue, elle nous élève jusque dans les cieux ; et ce qu'il y a de merveilleux , c'est qu'elle attire en haut ceux qu'elle enlace ici-bas. Cela répugne à la nature. Mais ne cherchez pas à retrouver l'ordre de la nature dans les événements que Dieu conduit : tout y surpasse l'ordre naturel. Apprenons à ne pas nous décourager, à ne pas nous irriter dans les tribulations. Voyez ce bienheureux : il avait été flagellé, et flagellé cruellement : « Leur ayant donné nombre de coups », est-il écrit. Il avait été enchaîné, et enchaîné avec rigueur : car on l'avait jeté dans la partie la plus reculée du cachot, et mis sous bonne garde. Eh bien! au milieu de toutes ces épreuves, au fort de la nuit, quand les plus éveillés succombent au sommeil, comme au poids d'une chaîne plus lourde encore, ces hum mes chantaient, louaient le Seigneur. Quel bronze ne paraîtrait faible auprès d'âmes pareilles ! Ils songeaient aux trois enfants qui, eux aussi, chantaient dans le feu de la fournaise: peut-être se disaient-ils Jamais nous n'avons été soumis à une aussi rude épreuve. Mais sachons gré au discours de nous avoir amenés devant ces autres chaînes et cet autre cachot.