5.
Qu'on ne dise donc pas que je suis un être imparfait, vil, abject et de nulle valeur, et qu'on ne doit pas faire attention à mes paroles. Je suis tel que vous dites, en effet, mais Dieu , pour être utile à l'humanité, assiste d'ordinaire les créatures imparfaites. Et la preuve c'est qu'il a daigné parler à Caïn à cause d'Abel, au démon à cause de Job, à Pharaon à cause de Joseph , à Nabuchodonosor et à Balthasar à cause de Daniel. Les magiciens eux-mêmes ont obtenu le bienfait de la révélation, et Caïphe, tout meurtrier du Christ qu'il était, tout indigne qu'il était de la faveur divine, a eu le don de prophétie, pour la dignité du sacerdoce. C'est en considération de cette dignité qu'Aaron fut épargné par la lèpre. Pourquoi donc, en effet, je vous le demande, sa soeur a-t-elle été seule punie, quand il avait murmuré comme elle? Ne vous en étonnez pas. Qu'un homme revêtu des dignités temporelles soit courbé sous le poids d'accusations innombrables, on ne le mettra en jugement que lorsqu'il aura déposé cette dignité, pour que l'opprobre ne rejaillisse pas sur elle. Il doit en être ainsi à plus forte raison pour l'homme revêtu d'un pouvoir spirituel, et qui, quel qu'il soit d'ailleurs, opère par la grâce de Dieu. Il doit en être ainsi; autrement tout serait perdu. Mais une fois qu'il aura déposé le pouvoir, soit au sortir de la vie, soit durant cette vie même, il sera puni plus sévèrement que les autres. N'allez pas croire que c'est nous qui vous parlons ainsi. C'est la grâce de Dieu qui opère dans son serviteur indigne, non pas à cause de nous, mais à cause de vous.
Ecoutez donc cette parole du Christ: « Si la maison en est digne, que votre paix descende sur elle ». Or comment peut-elle en être digne? En vous accueillant, dit le Christ. « Mais s'ils ne vous accueillent pas, s'ils ne vous écoutent pas , en vérité, je vous le dis, la terre de Sodome et de Gomorrhe sera mieux traitée au jour du jugement, que cette cité ». (Matth. X, 13-15.) Mais à quoi bon nous accueillir, si vous ne nous :écoutez pas? Quel fruit vous revient-il des honneurs que vous nous rendez , si vous ne faites pas attention à ce qu'on vous dit? Voulez-vous nous rendre un témoignage d'honneur et de respect auquel nous tenions, et qui vous soit utile ainsi qu'à nous? Ecoutez notre parole. Ecoutez saint Paul qui vous dit : « Je ne savais pas, mes frères, que ce fût un pontife ». (Act. XXIII, 5.) Ecoutez aussi le Christ : « Observez », dit-il, « et faites tout ce qu'ils vous disent ». (121) (Matth. XXIII, 3.) Ce n'est pas moi que vous méprisez, c'est le sacerdoce. Quand vous m'en verrez dépouillé , alors méprisez-moi, alors de taon côté je ne vous ordonnerai plus rien. Mais tant que nous occupons ce vsiége , tant que nous sommes à la tête de cette Eglise , nous avons l'autorité et le pouvoir, bien que nous en soyons indigne. Si le trône de Moïse était assez respectable pour faire écouter Moïse , il en est de même à plus forte raison du trône du Christ : c'est ce trône que nous avons reçu, c'est du haut de ce trône que nous vous parlons, depuis le jour ou le Christ a fait de nous son ministre de paix.
Les ambassadeurs , quels qu'ils soient, doivent à leur titre de grands honneurs. Voyez, ils pénètrent jusqu'au coeur d'un pays barbare; les voilà seuls au milieu de tant d'ennemis ! Et pourtant, grâce à leur titre, tous ces ennemis les considèrent, tous ces ennemis les laissent partir et veillent à leur sûreté. Et nous aussi nous sommes envoyés en ambassade ; nous sommes les ambassadeurs de Dieu c'est là le titre que nous donne l'épiscopat. Nous venons donc à vous en ambassadeurs, pour vous demander la paix et pour vous en dire les conditions. Ce ne sont ni des cités, ni des mesures de froment, ni des esclaves, ni de l'or, que nous nous engageons à vous livrer. Nous vous promettons le royaume des cieux,la vie éternelle, la vue du Christ, et tant d'autres biens que nous ne pouvons énumérer, et que vous ne pouvez connaître , tant que nous sommes dans les liens du corps et de cette vie mortelle. C'est donc une ambassade dont nous nous acquittons. Et nous voulons être honorés, non pas pour nous, indignes que nous sommes , mais pour vous, pour que vous fassiez attention à nos paroles , pour qu'elles vous soient utiles , pour que nous ne trouvions pas en vous des auditeurs insensibles ou négligents. Ne voyez-vous pas comme on entoure les ambassadeurs, comme on se presse autour d'eux? Eh bien ! Nous sommes accrédités par Dieu, polar lui servir d'ambassadeurs auprès des hommes. Si les paroles que nous sommes chargés de vous adresser vous blessent, ce n'est pas notre faute ; c'est notre épiscopat qui nous force à vous les adresser. Ce n'est pas tel ou tel homme qui vous parle ; c'est l'évêque : ne m'écoutez point ; mais écoutez l'ambassadeur de Dieu. Faisons donc tous nos efforts pour plaire à Dieu ; efforçons-nous de vivre pour sa gloire et de nous montrer dignes des biens promis à ceux qui l'aiment, par là grâce et la bonté, etc...