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Et pourquoi n'a-t-il pas fait miséricorde au reste des juifs? Parce qu'ils n'ont pas péché par ignorance, mais qu'ils avaient conscience et pleine connaissance du mal qu'ils taisaient. Et, pour le bien comprendre, écoutez l'évangéliste qui nous dit : « Plusieurs d'entre les principaux juifs croyaient en lui, mais n'en convenaient pas; car ils aimaient mieux la gloire qui vient des hommes, que celle qui vient de Dieu ». (Jean, XII, 42,43.) Et le Christ; « Comment pouvez-vous croire, vous qui recherchez la gloire, que vous vous donnez les uns aux autres? » (Jean, V, 44.) Et encorde passage où il est dit que les parents de l'aveugle parlèrent ainsi à cause des juifs, dans la crainte d'être chassés de la synagogue. (Jean, IX, 22.) Et les Juifs disaient : Voyez-vous que nous ne gagnons rien ? car tout le monde va après lui. Partout, en effet, la passion de dominer les troublait. Et eux-mêmes dirent que « personne n'a le pouvoir de remettre les péchés, si ce n'est Dieu seul ». (Luc, V, 21.) Et aussitôt Jésus fit ce qu'ils disaient être le signe de Dieu. Ce n'était donc pas chez eux cause d'ignorance. Où était alors Paul ? dira-t-on peut-être. Il était assis aux pieds de Gamaliel, n'ayant rien de commun avec cette foule séditieuse. Et où était Gamaliel ? C'était un homme qui ne faisait rien par amour de la domination. Comment donc, après cela, Paul se trouve-t-il avec la foule? Il voyait le nombre des croyants s'augmenter, prendre le dessus et tout le peuple se laisser gagner. Les uns s'étaient réunis au Christ pendant qu'il était sur la terre, d'autres à ses disciples; enfin il se faisait une grande division parmi les Juifs. Et ce qu'il fit alors, il le fit, non par amour de la domination, comme les autres, mais par zèle. Car pourquoi se rendait-il à Damas ? Il regardait ce qui se passait comme un mal, et craignait que la prédication ne se répandît partout. Mais il n'en était pas ainsi des autres. Ce n'était pas par un soin tutélaire pour la foule, mais par amour de la domination qu'ils agissaient. Voyez ce qu'ils disent : « Les Romains détruisent notre nation et notre ville ». (Jean, XI, 48.) C'était donc une crainte humaine qui les agitait.
Mais il est important d'examiner comment Paul, disciple si exact de la loi, ne connaissait pas cet Evangile qu'il a dit avoir été annoncé d'avance parle ministère des prophètes. (Rom. 1, 2.) Comment ne le savait-il pas, lui zélateur de la loi de ses pères, instruit aux pieds de Gamaliel? D'autres, vivant sur les lacs, sur les fleuves, dans les bureaux des publicains, accouraient à Jésus et accueillaient sa parole, et vous, savant dans la loi, vous la persécutiez. C'est pour cela qu'il se condamne en disant : « Je ne suis pas digne d'être appelé apôtre ». (I Cor. XV, 9.) Il reconnaît ainsi en lui une ignorance engendrée par l'incrédulité; c'est pour cela qu'il dit avoir été l'objet de la miséricorde. Que veut donc dire : « M'a estimé fidèle? » C'est qu'il n'a trahi aucun des commandements qu'il a reçus ; il a tout rapporté au souverain Maître , même ses actions, et ne s'est point approprié la gloire de Dieu. Ecoutez en effet ce qu'il dit ailleurs : « Que faites-vous a là? Nous sommes des hommes et dans la « même condition que vous » (Act. XIV, 14) ; c'est ainsi qu'il entend ces mots : Il m'a estimé fidèle. En effet il dit ailleurs : « J'ai enduré plus de fatigues qu'eux tous, non pas moi mais la grâce de Dieu avec moi ». (I Cor. XV, 10.) Et dans un autre endroit : « C'est Dieu qui opère en nous le vouloir et le faire ». (Philipp. II, 13.) Il s'avoue digne de châtiment. Mais la miséricorde intervient en ces circonstances. Et ailleurs encore : « L'aveuglement s'est répandu sur une partie d'Israël ». (Rom. XI, 25.)
« Mais», dit-il à Timothée, « la grâce de Dieu a surabondé avec la foi et la charité, qui est en Jésus-Christ ». (I, 14.) Pourquoi parle-t-il ainsi ? Afin que vous ne pensiez pas qu'il lui a seulement « été fait miséricorde ». J'étais, dit l'apôtre, blasphémateur, persécuteur, coupable d'outrages; et par conséquent digne de châtiment. Je n'ai pas été puni, car il m'a été fait miséricorde. Mais ne s'est-elle étendue qu'à le sauver du châtiment ? Non certes Dieu y a ajouté de nombreux et immenses bienfaits. Dieu ne nous a pas seulement sauvés du châtiment suspendu sur nos têtes , mais il nous a faits justes, ses enfants, ses frères, ses amis, ses héritiers, cohéritiers de Jésus-Christ. C'est pour cela que l'apôtre dit : La grâce a surabondé; car la mesure de ses bienfaits a dépassé le niveau de la simple miséricorde. Ce n'est plus l'acte de la miséricorde, mais de l'amour et d'une extrême tendresse. L'apôtre en exaltant la bonté de Dieu qui lui a fait miséricorde, à lui blasphémateur, persécuteur et coupable d'outrages, et qui ne s'en est pas tenu là, mais a daigné lui accorder de grands bienfaits, écarte encore l'objection des incrédules, en se gardant de laisser soupçonner la suppression du libre arbitre, car il ajoute : « Avec la foi et la charité eu Jésus-Christ ». Tout ce que nous avons apporté, dit-il, c'est que nous avons cru qu'il peut nous sauver.