5.
De plus l'homme qui s'est habitué à ajouter foi aux paroles de ces imposteurs, de. vient d'une crédulité qui fait admirablement leurs affaires. On ne remarque même pas s'ils se trompent, mais seulement si par hasard ils rencontrent juste. S'il est vrai qu'ils savent prédire l'avenir, amenez-les-moi à moi qui suis fidèle. Ce n'est pas l'orgueil qui me fait parler de la sorte; il n'y a pas assez de mérite à s'affranchir de ces sottises, pour qu'on en soit fier. Je suis plein de péchés, mais je ne crois pas pour cela devoir m'humilier ici; parla grâce de Dieu je me ris de tous ces sortilèges. Je vous le répète, amenez-moi un de vos magiciens, et s'il a quelque vertu prophétique, qu'il me- dise ce qui m'arrivera demain, ce que je deviendrai. Je suis sûr qu'il ne parlera pas. Car je suis sous la puissance de mon roi légitime. Le tyran n'a aucun pouvoir sur moi; je me tiens éloigné de ses antres et de ses cavernes; je sers dans l'armée du roi. mais, direz-vous, un tel a commis un vol, et tel magicien l'a décelé. Cela n'est pas toujours vrai, Ce n'est qu'une plaisanterie, ce n'est qu'un mensonge. Ils ne savent rien; s'ils savent deviner, ils devraient bien employer leur art pour eux-mêmes, et dire que sont devenues les offrandes de leurs idoles qui ont été enlevées, et découvrir tout l'or qui a été fondu. Pourquoi ne l'ont-ils pas prédit à leurs prêtres? Ils ne savent donc rien. Ainsi ils ne peuvent pas dire même un mot pour sauver leurs richesses ni pour prévenir les incendies qui les ont sou. vent dévorés eux et leurs temples. Pourquoi ne S'occupent-ils pas d'abord de leur propre salut? Si donc ils ont jamais fait une prédiction qui, se soit réalisée, ç'a été par pur hasard.
Nous avons des prophètes nous autres, mais ils ne se trompent jamais. On ne les voit point tantôt rencontrer juste, tantôt se tromper, mais dire infailliblement la vérité. Le propre de la vertu prophétique est en effet de ne se tromper jamais. Abstenez-vous donc, mes frères, je vous en conjure, abstenez-vous de, ces folies, si vous croyez en Jésus-Christ. Que si vous ne croyez pas en Jésus-Christ, pourquoi vous dégradez-vous, pourquoi vous trompez-vous vous-mêmes? Jusques à quand clocherez-vous des deux jambes? Pourquoi allez-vous à ces devins? Que leur demandez-vous? Dès que vous, allez à eux, dès que vous les interrogez, vous vous faites leur esclave. Si vous les consultez, c'est que vous croyez en eux. — Nullement, dites-vous, je les consulte, non parce que j'ai (393) foi en eux, mais parce que je veux les éprouver. — Vouloir les éprouver, c'est n'être pas encore pleinement convaincu qu'ils mentent, c'est encore en douter. Quand même ils vous diraient: Voici ce qui arrivera, mais faites ceci et vous éviterez le mal qui vous menace, ce ne serait pas une raison pour vous livrer à l'idolâtrie. Mais leur effronterie ne va pas jusque-là. Si leur prédiction se trouve par hasard exacte, qu'y gagnez-vous, sinon une tristesse inutile? Si la prédiction est fausse, et que l'événement ne la justifie pas, cela n'empêche pas le chagrin de vous consumer pour rien.
S'il vous était expédient de connaître l'avenir, Dieu ne nous eût pas envié cet avantage, il ne nous eût pas privés par jalousie, lui qui nous a dévoilé les secrets du ciel. « Je vous ai fait savoir », dit-il, « tout ce que j'ai appris de mon Père; je vous ai annoncé tout ce que mon Père m'a dit, c'est pourquoi-je ne vous appelle pas serviteurs, mais je vous appelle mes amis». (Jean, XV, 15.) Pourquoi donc ne nous a-t-il pas fait connaître ces choses, sinon parce qu'il veut que nous n'en tenions aucun compte? Ce qui montre que ce n'est point par envie qu'il nous refuse ces sortes de connaissances, c'est qu'il les communiquait aux anciens, et qu'il faisait par exemple retrouver des ânesses perdues. Il agissait ainsi alors parce qu'il avait affaire à un peuple enfant : pour nous, il veut que nous méprisions ces misères, et il a dédaigné de nous les faire savoir. Que nous apprend-il en échange ? Des vérités que les juifs n'ont pas eu le bonheur d'apprendre. Ces divinations étaient peu de chose. Mais nous, voici ce que nous apprenons : Que nous ressusciterons ; que nous sommes immortels, incorruptibles, qu'une vie sans fin nous est réservée ; que la figure de ce monde passera; que nous serons ravis dans les nues du ciel; que les méchants subiront leur juste châtiment, et mille autres choses importantes, qui sont autant de vérités certaines. N'est-il pas plus important de savoir ces choses que de savoir où l'on retrouvera une ânesse perdue ? Voilà que vous avez recouvré votre ânesse ; vous l'avez retrouvée, quel avantage est-ce pour vous ? Ne la perdrez-vous pas de nouveau d'une autre manière ? Si elle ne vous quitte plus, vous la quitterez, vous, à la mort. Quant aux vérités que je vous ai dites, si vous voulez vous en mettre en possession, vous en jouirez éternellement. Voilà ce qu'il nous faut rechercher, les biens qui sont stables, les biens qui sont. sûrs. Méprisons les devins, les sorciers, les imposteurs de toute espèce, n'écoutons que Dieu qui sait tout avec certitude, qui possède la pleine connaissance de toutes choses. C'est ainsi que nous saurons tout ce qu'il faut savoir, et que nous obtiendrons tous les biens. Ainsi soit-il.