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La foi est une vertu grande et salutaire; sans elle, nous ne pouvons être sauvés. Mais la foi ne suffit pas, il faut encore mener une vie pure. Voilà pourquoi Paul, s'adressant à ces hommes initiés aux mystères du Christ, leur parle en ces termes . « Empressons-nous d'entrer dans son repos». — «Empressons-nous», dit-il, « appliquons-nous ». La foi ne suffit pas, il faut y joindre une vie pure et un zèle ardent. Car il faut avoir un zèle véritable et ardent pour monter au ciel. Si des hommes qui avaient enduré dans le désert tant de souffrances et de calamités n'ont -pas été jugés dignes d'entrer dans la terre promise et n'ont pu atteindre cette terre, parce qu'ils s'étaient livrés à la fornication, comment serions-nous jugés dignes du ciel, nous qui menons une vie inconsidérée; lâche et inactive? Il faut donc avoir beaucoup de zèle. Mais remarquez que, selon lui, la punition du pécheur ne consiste pas uniquement à ne pas entrer dans le repos de Dieu. Il ne s'est pas borné à dire: Efforçons-nous d'entrer dans ce repos, pour ne pas nous voir privés de si grands biens. Il a ajouté quelque chose qui est bien capable d'éveiller nos esprits. Qu'a-t-il donc ajouté? Il a continué en ces; termes : « De peur « que quelqu'un De tombe dans une désobéissance semblable à celle de ces incrédules » , ce qui veut dire que nous devons nous appliquer, nous arranger de manière à ne pas tomber, comme, eux. Il nous donne là un exemple, de l'incrédulité humaine. Ne tombons pas où ils sont tombés, dit-il. Mais n'allez pas vous appuyer sur ces mots pour croire que Dieu. se bornera à vous punir, comme il les a punis; écoutez ce que l'apôtre ajoute : « La parole de Dieu est vivante et efficace; elle perce plus qu'une épée à deux tranchants; elle pénètre jusque dans les replis de l'âme et de l'esprit, jusque dans les articulations, jusque dans la moelle des os; elle démêle les pensées et les mouvements du coeur ». Il montre ici la puissance de cette parole de Dieu toujours vivante et immortelle. Ce n'est pas une simple parole, ne le croyez pas, ne vous bornez pas à ce mot : Cette parole est plus perçante qu'un glaive.- Voyez comme il poursuit, et apprenez ici pourquoi les prophètes ont été obligés de parler du glaive, de l'arc et de l'épée de Dieu. « Si vous ne vous convertissez pas » , dit le Psalmiste, « il dirigera contre vous son glaive; son arc est déjà tendu ; son arc est déjà prêt ». (Ps. VII, 13.)
Si aujourd'hui, après tant d'années, lorsque tant d'événements se sont accomplis, il ne suffit pas à l'apôtre de ce seul mot, la parole de Dieu, pour frapper son auditoire, s'il a besoin de tout cet attirail d'expressions, pour montrer par la compas raison combien la parole de Dieu est puissante, cela était nécessaire à plus forte raison, au temps des prophètes. « Pénétrant jusque dans les replis, de l'âme et de l'esprit ». Que signifient ces mots? Quelque chose de terrible. L'apôtre nous montre la parole de Dieu séparant l'âme de l'esprit ou pénétrant même les substances immatérielles, et ne se bornant pas à percer les corps, comme le glaive. Il montre ici la punition de l'âme, la parole de Dieu qui en fouille les profondeurs et qui pénètre l'homme tout entier. « Elle démêle les pensées et les mouvements du coeur, et nulle créature ne lui est cachée ».. C'est par là surtout qu'il les épouvante. Vous avez beau avoir la foi, leur dit-il, si cette foi n'est pas accompagnée d'une persuasion pleine et entière , ne soyez pas. pleinement rassurés. Dieu jugera ce que vous avez dans le coeur ; car c'est jusque-là qu'il pénètre, pour vous examiner et vous punir. Et pourquoi parler des hommes? Passez en revue les anges, les archanges , les chérubins, les séraphins, les (483) créatures quelles qu'elles soient, tout, pour l'oeil de Dieu, est à découvert, tout est clair et manifeste pour lui, rien ne peut lui échapper. « Tout est à nu et dépouillé devant les yeux de Celui dont nous parlons». Ce mot « dépouillé » est une métaphore tirée des victimes écorchées. Quand un sacrificateur, après avoir égorgé la victime, sépare la peau de la chair, il met à nu les moindres fibres qui apparaissent alors à nos yeux : c'est ainsi que, sous l'œil de Dieu, apparaissent clairement et dans un jour complet, les moindres fibres de notre âme. Voyez comme saint Paul a toujours besoin de recourir à des images matérielles; c'est que ses auditeurs étaient faibles d'esprit. Ce qui. prouve cette faiblesse, c'est qu'il les traite quelque part d'êtres maladifs, auxquels il faut,du lait, auxquels il. ne faut pas une nourriture solide. « Tout est nu et dépouillé », dit-il, « aux yeux de Celui « duquel nous parlons».
Mais que signifient ces mots : « Dans une désobéissance semblable à celle de ces incrédules? » lis ont pour but de répondre à ceux qui demanderaient pourquoi ces hommes n'ont point vu la terre promise. Ils avaient reçu un gage de la puissance de Dieu et, au lieu de croire en lui, ils ont cédé à la crainte, et, sans que Dieu leur donnât aucun avis qui pût, les effrayer, ils ont péri victimes de leur pusillanimité et de leur découragement. On peut dire encore qu'après avoir fait la plus grande partie du chemin, sur le seuil même de la terre promise, en arrivant au port, ils ont sombré. Voilà ce que je crains pour vous, dit l'apôtre, et tel est le sens de ces paroles : « Dans une à désobéissance semblable à celle de ces incrédules », car eux aussi ils ont beaucoup souffert, et c'est ce qui est attesté par saint Paul , quand il dit : « Souvenez-vous de ces anciens jours où vous avez été éclairés par les combats que vous avez eu à soutenir contre la souffrance». (Hébr. X, 32.) Loin de nous donc la pusillanimité et l'abattement! Ne perdons pas courage à la fin de la lutte. il y a des athlètes en effet qui sont tout feu et tout flamme, en commençant le combat, et qui, pour n'avoir pas voulu faire encore quelques efforts, ont tout perdu. L'exemple de vos pères, dit. saint Paul, suffit pour vous instruire et pour vous empêcher de souffrir ce qu'ils ont souffert eux-mêmes. Voilà ce que veulent dire ces mots: « Ne tombez pas dans une désobéissance semblable à celle de ces incrédules ». Ne nous relâchons pas, dit l'apôtre, ne perdons pas nos forces. Et c'est ce qu'il dit encore en terminant: «Relevez vos mains languissantes et fortifiez vos genoux affaiblis ». (Hébreux, XII, 12.) « Il ne faut pas», dit-il, « que vous tombiez dans une désobéissance semblable à celle de ces incrédules ». C'est là en effet une chute bien réelle. Puis, pour que vous ne vous attendiez pas à subir seulement, comme peine de cette chute, le même genre de mort qu'eux, voyez ce qu'il ajoute : « La parole de Dieu est vivante et efficace; elle est plus perçante qu'un glaive à deux tranchants».
Oui : la parole de Dieu est le mieux affilé de tous les glaives; elle perce les âmes; elle leur porte des coups mortels et leur fait de mortelles blessures. Ce qu'il dit là, il n'est pas nécessaire qu'il le démontre, qu'il le prouve et qu'il l'établisse; l'exemple qu'il cite en dit assez. A quelle guerre en effet, sous quel glaive ont-ils succombé ? Ne sont-ils pas tombés d'eux-mêmes ? Si nous n'avons pas souffert autant qu'eux, ne soyons pas exempts de crainte : tant que nous pouvons dire « aujourd'hui » , relevons-nous et réparons nôs forces. Après avoir ainsi parlé, de peur que ses auditeurs, en apprenant ces châtiments de l'âme, ne restent froids et languissants, il ajoute à ces châtiments des peines corporelles, en faisant entendre que Dieu, armé du glaive spirituel de sa parole, fait comme un souverain qui punit ses officiers coupables de quelque grande faute. Il leur ôte le droit de servir dans ses armées, il leur ôte leur ceinturon et leur grade, et les condamne à une peine proclamée par la voix du crieur public. Puis, à propos du Fils, il laisse tomber ces mots terribles : « Celui auquel nous parlons» : c'est-à-dire, celui auquel nous devons rendre compte. Ainsi ne nous laissons pas abattre, ne nous décourageons pas. Ce qu'il a dit suffisait bien pour nous instruire; mais pour lui, ce n'est point assez et il ajoute : « Nous avons un grand pontife qui est monté au plus haut du ciel : c'est Jésus, Fils de Dieu (14) ».