XXXVI - POSIDONIUS
[1] Quant à ce qui concerne les choses nombreuses et difficiles à raconter sur Posidonius le Thébain, comment il fut doux et aussi avancé en ascétisme que possible, quelle grande innocence il avait en lui, je ne sais pas si j'en ai rencontré un autre. J'ai vécu en effet avec lui pendant un an à Bethléem, où il s'établit au-delà du Pœmenium, et j'ai vu à fond ses nombreuses vertus. Entre autres, il me racontait un jour ceci du moins : « Ayant habité un an dans le pays Porphyrite, je n'ai pas rencontré un homme dans toute l'année, je n'ai pas entendu une conversation, je n'ai pas touché à du pain, sinon que j'ai subsisté avec des petites dattes et quand j'ai trouvé quelque part des herbes sauvages. Entre autres, une fois, les aliments faisant défaut, je sortis de ma grotte pour aller dans le pays habité. Et ayant marché durant tout un jour, je m'éloignai à peine de deux milles de ma grotte. Alors ayant regardé tout alentour je vois un cavalier ayant l'extérieur d'un soldat, ayant un casque en forme de tiare sur la tête. Et, ayant espéré que c'était un soldat, je m'élançai jusqu'à la grotte, et je trouvai une corbeille de raisins et de ligues fraîchement cueillis. L'ayant prise et devenu tout joyeux, j'entrai dans la grotte, ayant pendant deux mois ces aliments pour réconfort. » [4] Mais voici le miracle qu'il fit à Bethléem. Une femme avait un esprit impur, et sur le point même d'enfanter, elle avait un accouchement difficile ; car l'esprit la tourmentait. Sur quoi, le mari de cette femme démoniaque se présenta et il suppliait ce saint de venir. Or comme nous étions entrés ensemble pour prier, lui, debout et déplus ayant prié, après la seconde génuflexion, il chassa l'esprit. [5] S'étant donc levé il nous dit : « Priez, car à l'instant l'esprit impur déguerpit. Et un signe doit subsister, afin que nous soyons convaincus. » Alors le démon en sortant renversa depuis les fondations le mur entier de la clôture. Mais la femme était depuis six ans sans avoir parlé. Après donc que le démon fut sorti, elle enfanta et parla.
[6] J'ai connu aussi de cet homme la prophétie que voici. Jérôme, un prêtre, habitait dans ces parages, distingué par sa valeur en littérature romaine et par ses aptitudes naturelles. Mais il avait une telle jalousie que sa valeur littéraire en était éclipsée. Or Posidonius ayant séjourné avec lui d'assez nombreux jours, me dit à l'oreille ceci : « La noble Paula, qui a soin de lui, mourra d'abord, débarrassée de sa jalousie, à ce que je crois. [7] Et à cause de cet homme, un saint homme n'habitera pas dans ces lieux; mais sa haine s avancera même jusqu'à son propre frère. » En cela aussi la chose arriva. En effet, il chassa le bienheureux Oxyperentius Italien, et un autre. Pierre, Égyptien, et Siméon, hommes admirables qu'en attendant moi j'ai signalés. Ce Posidonius me racontait qu'il n'avait pas essayé du pain depuis quarante ans, et que certes il n'avait pas eu de ressentiment contre quelqu'un, même jusqu'à une demi-journée.