LIV - ENCORE LA SAINTE MÉLANIE
[1] De l'admirable et sainte Mélanie j'ai parlé plus haut, à la vérité en y touchant superficiellement ; néanmoins maintenant je vais tisser dans mon récit ce qui me reste. Combien elle a dépensé de bien matériel dans son zèle pour Dieu, enflammée dune sorte de feu. ce n'est pas à moi à le raconter, mais encore à ceux qui habitent la Perse. Personne en effet n'a échappé à sa bienfaisance, ni le levant, ni le couchant, ni le nord, ni le midi. [2] Car c'était la trente-septième année que donnant l'hospitalité, elle a subvenu de ses propres frais à des églises, à des monastères, à des étrangers et à des prisons, ceux de sa famille, son fils lui-même et ses propres intendants lui fournissant de l'argent. Ayant persisté si longtemps dans l'exercice de l'hospitalité, elle ne posséda pas un empan de terre, elle ne se laissa pas attirer parle désir de son fils, et le regret de cet unique fils ne la sépara pas de la charité pour le Christ. [3] Mais, grâce à ses prières, le jeune homme parvint au plus haut degré en fait d'éducation et de caractère, à un mariage illustre, et il entra dans les dignités mondaines. Il eut aussi deux enfants. Or longtemps après, ayant entendu parler de la situation de sa petite-fille, à savoir qu'elle était mariée et qu'elle se proposait de renoncer au monde, ayant craint qu'ils ne fussent entamés par une mauvaise doctrine, une hérésie ou une mauvaise vie, âgée de soixante ans, elle se jeta dans un vaisseau et, ayant fait voile depuis Césarée, elle arrive à Rome au bout de vingt jours. [4] Et là, ayant rencontré Apronien, qui était païen, l'homme éminemment bienheureux et considérable, elle le catéchisa et rendit chrétien, lui ayant persuade; de garder la continence avec sa propre femme, sa nièce à elle, Avita. Puis, ayant aussi assuré dans la fermeté sa propre petite-fille Mélanie avec son mari Pinien. et ayant catéchisé Albine, sa belle-fille, la femme de son fils, et les ayant tous préparés à vendre ce qui leur appartenait, elle les emmena de Rome et les conduisit au port vénérable et tranquille de la Vie. [5] Et ainsi elle combattit comme des bêtes sauvages tous les personnages sénatoriaux et leurs épouses qui l'écartaient à propos du renoncement au monde dans le reste des maisons. Or elle leur disait : « Petits enfants, il a été écrit il y a quatre cents ans : « C'est la dernière heure ». Pourquoi vous attardez-vous avec plaisir à la vanité de la vie, dans la crainte que les jours de l'antichrist ne vous surprennent et que vous ne jouissiez plus de votre fortune et des biens de vos ancêtres?» [6] Et les ayant tous libérés, elle les amena à la vie monastique. Et ayant catéchisé le fils plus jeune de Publicola. elle le conduisit en Sicile ; et avant vendu tout ce qui lui restait et reçu les valeurs, elle se rendit à Jérusalem, et après avoir distribué ses biens matériels, elle mourut au bout de quarante jours dans une belle vieillesse et une mansuétude très profonde, ayant laissé encore à Jérusalem un monastère avec ses revenus.
[7] Cependant lorsque tous ceux-là se furent éloignés de Rome, une tempête de barbares, celle qui depuis longtemps reposait dans les prophéties, fondit sur Rome et ne laissa pas même les statues d'airain sur la place publique, mais ayant tout ravagé avec une démence barbare, elle le livra à la destruction, de sorte que Rome qu'on avait aimé à embellir pendant douze cents ans, devint une ruine. Alors ceux qui avaient été catéchisés et ceux qui avaient été opposés à la catéchèse glorifièrent Dieu : il avait, par le bouleversement des choses, convaincu les incroyants qu'entre toutes les autres faites prisonnières, seules furent pleinement sauvées les familles qui étaient devenues, grâce au zèle de Mélanie, des holocaustes au Seigneur.