17.
Comme je commençais à parler: Attends, dit- il, un peu, je te prie. Puis souriant: Dis-moi, reprit-il, s'il te plait, te crois-tu déjà bien sûr de la victoire? — Fais, lui dis-je, que j'en sois entièrement assuré. Cependant n'abandonne pas pour cela le parti que tu soutiens, surtout parce que nous n'avons commencé ensemble cette discussion, que pour t'exercer et pour polir ton esprit. — Ai-je donc, dit-il, lu les académiciens , ou suis-je instruit de toutes les sciences dont tu t'es armé pour venir m'attaquer? — Ceux qui, les premiers, ont soutenu cette opinion, ne les avaient pas lus non plus. Si l'instruction et les sciences te manquent, ton esprit ne doit pas être faible au point que tu succombes sans résistance, devant quelques mots de moi, et devant quelques questions. Car je commence déjà à craindre qu'Alype ne te remplace plutôt que je ne le voudrais, et en face d'un tel adversaire , je marcherai avec moins de sécurité. — Dieu veuille alors, dit-il, que je sois à l'instant vaincu, afin de vous entendre et qui plus est , vous voir disputer ensemble : rien ne peut m'être plus heureux que ce spectacle. Vous vous plaisez à verser vos paroles, plutôt qu'à les répandre, puisque vous recueillez sur des tablettes ce qui s'échappe de votre bouche, et que vous ne le laissez pas, comme on dit, tomber à terre : il sera donc aussi permis de vous lire. Cependant, lorsqu'on a sous les yeux les interlocuteurs, il arrive, je ne sais comment que si une bonne discussion n'est pas plus profitable, elle fait certainement à l'âme beaucoup plus de plaisir.