71.
Nous trouvons une confirmation du sens précédent dans ce qui suit : « Et les cieux annonceront sa justice au peuple qui naîtra et que le Seigneur a fait. » Là on disait : « La génération qui doit venir sera annoncée au Seigneur; » ici on dit : « Ils annonceront sa justice. ». Car la génération dont on prophétise la venue est celle des pieux et des saints, elle est la justice de Dieu et non point sa propre justice; ces saints ne sont pas de ceux qui, «ignorant la justice de Dieu et voulant établir la leur propre, n'ont pas été soumis à la justice de Dieu 1. » En disant qu'ils « ignorent la justice de Dieu, » l'Apôtre parle de cette justice de Dieu par laquelle sa grâce nous rend justes, car nous sommes nous-mêmes cette justice lorsque nous vivons bien et que nous croyons en celui qui justifie l'impie 2; mais il ne parle pas de cette éternelle et immuable justice qui rend juste Dieu lui-même. » Aussi cette justice qui devient la nôtre, par un présent de Dieu , est désignée en ces termes dans un psaume 3 : « Votre justice est comme les montagnes de Dieu. » Les montagnes de Dieu, ce sont ces saints dont il est dit ailleurs : « Que les montagnes reçoivent la paix pour votre peuple 4. » Il serait trop long de citer tous les passages des Ecritures où il est parlé des saints sous la figure des montagnes.
Mais cette justification s'opère par un secret jugement de Dieu, car elle est l'effet de la grâce gratuite; et si elle est l'effet de cette grâce, elle ne vient pas des oeuvres, autrement la grâce ne serait plus la grâce 5. D'ailleurs les bonnes oeuvres ne datent que de la justification, elles ne la précèdent pas pour la produire, et c'est ici la profondeur dont j'ai beaucoup parlé ci-dessus. Aussi, dans le même psaume, après que le prophète a dit : « Votre justice est comme les montagnes de Dieu, » il ajoute « Vos jugements sont comme un abîme impénétrable. » Puis il arrive au salut qui est commun aux hommes et aux bêtes, parce qu'il est lui-même un effet de la miséricorde de Dieu, et il dit : « Seigneur, vous sauverez les hommes et les bêtes, parce que votre miséricorde, ô mon Dieu, s'est étendue partout. » Par là nous devons comprendre que nous recevons gratuitement, non-seulement le salut éternel et immortel dont l'Apôtre dit que nous ne le possédons qu'en espérance 6, mais encore le salut qui est commun aux hommes et aux bêtes : qui pourrait donc s'enorgueillir de ses oeuvres, puisque nous ne les opérons que par la grâce de Dieu ? « Nous sommes l’ouvrage de ses mains, créés en Jésus-Christ pour les bonnes oeuvres que Dieu a préparées afin que nous y marchions 7. » Il est donc gratuit ce salut dont il est parlé dans un autre psaume : «Le salut vient du Seigneur, et votre bénédiction s'étend sur votre peuple 8. »