32.
Pourquoi donc pas un enfant n'entrera-t-il dans le royaume des cieux, s'il n'a pas reçu le baptême? S'est-il choisi lui-même les parents infidèles ou négligents de qui il devait naître?
Que dirai-je des innombrables morts inopinées et subites par lesquelles disparaissent souvent des enfants, même des enfants de parents religieux, qui se trouvent ainsi enlevés à la grâce du baptême ; tandis que, au contraire, des enfants nés de parents sacrilèges et ennemis du Christ, venant à tomber entre des mains chrétiennes, ne quittent pas ce monde sans avoir reçu le sacrement de la régénération? Que peuvent répondre ici ces gens qui veulent que des mérites humains précèdent la grâce, de peur de laisser croire que Dieu fasse acception de personnes? Quelles sont ici les bonnes oeuvres antérieures? En trouverez-vous dans les enfants? mais il n'en est aucune qui leur soit propre, et les uns et les autres appartiennent à la masse condamnée. Regarderez-vous du côté des parents? mais ceux dont les enfants sont morts subitement sans le baptême du Christ se recommandaient par de bonnes oeuvres, et ceux dont les enfants ont obtenu la grâce baptismale par le soin de personnes chrétiennes, ne faisaient que le mal ? Voilà donc la providence de Dieu, elle qui sait le nombre des cheveux de notre tête, et sans la volonté de laquelle un passereau ne tombe pas sur la terre 1, elle que nul destin ne force, que nul accident fortuit n'arrête et que nulle iniquité ne corrompt; voilà la Providence qui ne dispose pas les choses pour que tous les enfants de ceux qui sont à lui, obtiennent par la régénération le céleste héritage , et qui parfois l'accorde à des enfants appartenant à des impies ! Tel enfant, né d'une pieuse union, la joie des siens en arrivant au monde, est étouffé par une mère ou une nourrice endormie , et devient étranger à la foi de sa famille ; tel autre, né du vice, exposé par la peur cruelle de sa mère, est recueilli et baptisé par la piété compatissante et la sollicitude chrétienne de personnes étrangères, et devient associé et participant au royaume éternel. Lorsqu'on aura réfléchi et médité sur ces choses, osera-t-on encore nous dire que Dieu, dans sa grâce, fait acception de personnes ou qu'il récompense des mérites antérieurs?
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Matth. X, 29, 30. ↩