1.
Votre lettre a rempli mon âme d'une grande douleur; vous demandez que j'y réponde par quelque écrit étendu, mais à de tels maux il faut de longs gémissements plutôt que de longs ouvrages. Le monde entier est sous le coup de grands désastres; il n'y a presque pas sur la terre une contrée où l'on n'ait à souffrir et à déplorer des malheurs comme ceux que vous me racontez. Car, il y a peu de temps, nous avons eu des frères tués par les Barbares dans ces solitudes de l'Egypte où les cénobites se croyaient en sûreté au milieu de monastères (213) séparés de tout bruit. Vous n'ignorez point, je pense, les horreurs accumulées dans les régions de l'Italie et des Gaules; on commence à en dire autant de ces pays d'Espagne qui jusqu'ici avaient été préservés. Mais pourquoi chercher si loin ? Voilà que dans notre contrée d'Hippone, non encore envahie par les Barbares, les clercs donatistes et les circoncellions dévastent nos églises avec tant de cruauté, qu'à côté de ces brigandages les coups des Barbares nous paraîtraient peut-être bien doux. En effet, quel Barbare aurait, comme eux, l'idée de jeter de la chaux et du vinaigre dans les yeux de nos clercs et de faire à leurs membres d'horribles plaies et blessures ? Ils pillent et brûlent des maisons, enlèvent les récoltes, répandent les vins et les huiles, et forcent beaucoup de nos catholiques à se faire rebaptiser en les menaçant tous de ces violences. Hier j'ai appris qu'en un seul endroit quarante-huit catholiques ont été ainsi contraints de recevoir de nouveau le baptême.