29.
Je m'étonne que Démocrite n'ait pas, d'un mot, fait remarquer la fausseté de cette opinion. Si, d'après Epicure, notre esprit est corporel, comment se peut-il faire qu'enfermé dans un petit corps, il puisse atteindre et embrasser tant de grandes images? car un petit corps ne peut atteindre sur tous les points à la fois un corps plus grand. Comment peut-on concevoir, en même temps, toutes ces images, si on ne les conçoit qu'à mesure qu'elles atteignent l'esprit en y venant et en y entrant? elles ne sauraient, toutes à la fois, entrer dans un aussi petit corps, et toutes à la fois ne pourraient toucher un aussi petit esprit. N'oubliez pas que je parle ici d'après le système de ces philosophes, car l'esprit n'est pas pour moi ce qu'ils imaginent. Si Démocrite croit l'esprit incorporel, Epicure seul reste sous le coup de mon raisonnement; mais pourquoi Démocrite n'a-t-il pas vu non plus que, pour qu'un esprit incorporel pense, il n'est pas besoin de la présence et du contact d'images corporelles, et et que cela, d'ailleurs, est impossible? Ce que j'ai dit sur la vision les réfute 'assurément et également tous les deux; car d'aussi petits yeux ne sauraient atteindre, dans toute leur étendue, d'aussi grandes images corporelles.