3.
Vous m'avez invité à rechercher avec vous la valeur d'un serment arraché par la violence; il ne faut pas, je vous en conjure, que nos raisonnements obscurcissent ce qu'il y a de plus clair. Si un serviteur de Dieu était placé entre une mort certaine et le serment de faire quelque chose d'illicite et de coupable, il devrait préférer la mort à ce serment qu'il ne pourrait tenir que par un crime. Ici les persévérantes clameurs du peuple n'ont pas contraint un homme à rien de mauvais, à rien dont l'exécution fût illicite; on craignait bien que quelques-uns de ces misérables qui se mêlent souvent à la foule de gens de bien, faisant les indignés et trouvant une occasion de désordres, ne se portassent, par amour du pillage, à quelque violence coupable, mais ce n'était là qu'une crainte : qui donc soutiendra qu'on doive se parjurer certainement, je ne dis pas pour échapper à des dommages incertains, à des outrages et à des coups, mais pour échapper même à la mort? Ce je ne sais quel Régulus n'avait rien appris de nos Ecritures sur l'impiété d'un faux serment, il n'avait pas entendu parler de la faux de Zacharie 1, et certainement ce n'était pas par le Christ, mais par les démons qu'il avait juré aux Carthaginois; toutefois la crainte de tortures certaines et d'une horrible mort ne le détermina point à prêter un serment forcé , mais comme il avait juré avec une volonté libre, il les accepte pour ne point se parjurer. Et. les censeurs de Rome refusèrent alors de recevoir non point au nombre des saints, mais au nombre des sénateurs, non point dans la céleste gloire, mais dans une cour terrestre, ceux qui, par crainte de la mort et de peines cruelles, aimèrent mieux se parjurer ouvertement que de retourner au milieu d'intraitables ennemis; bien plus ils repoussèrent celui qui s'était cru justifié du reproche de parjure parce que, après son serment, il était retourné à l'ennemi par je ne sais quel semblant de nécessité. En le repoussant du sénat ils ne considérèrent donc point quelle avait été son intention quand il prêtait serment, mais ce qu'attendaient de lui ceux à qui il avait juré. Et ils n'avaient pas lu ce que nous chantons toujours : « Celui qui fait serment à son prochain et ne le trompe pas. » Nous avons coutume de louer ces choses avec grande admiration, quoique nous les trouvions dans des hommes étrangers au nom et à la grâce du Christ; et pourtant nous croyons devoir chercher encore dans les livres divins s'il est quelquefois permis de parjurer, et ces mêmes livres, de peur que la facilité du serment ne nous fasse tomber dans le parjure, nous défendent de jurer !
-
Au lieu du livre marqué dans la Vulgate, au chapitre cinquième de Zacharie, et où sont inscrites des malédictions contre les parjures, la Bible des Septante, dont l'ancienne italique de saint Augustin n'était que la traduction, porte une faulx : drepanon. ↩