Edition
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De doctrina Christiana
CAPUT XVIII.-- Ecclesiasticus orator in materia grandi semper versatur.
35. Haec autem tria ille, sicut ab eo dicta sunt, in causis forensibus posset ostendere; non autem hic, hoc est in ecclesiasticis quaestionibus, in quibus hujusmodi, quem volumus informare, sermo versatur. In illis enim ea parva dicuntur, ubi de rebus pecuniariis judicandum est; ea magna, ubi de salute ac de capite hominum: ea vero ubi nihil horum judicandum est, nihilque agitur ut agat sive decernat, sed tantummodo ut delectetur auditor, inter utrumque quasi media, et ob hoc modica, hoc est moderata dixerunt. Modicis enim modus nomen imposuit: nam modica pro parvis abusive, non proprie dicimus. In istis autem nostris, quandoquidem omnia, maxime quae de loco superiore populis dicimus, ad hominum salutem, nec temporariam, sed aeternam referre debemus, ubi etiam cavendus est aeternus interitus, omnia magna sunt quae dicimus; usque adeo ut nec de ipsis pecuniariis rebus vel acquirendis vel amittendis parva videri debeant, quae doctor ecclesiasticus dicit, sive sit illa magna, sive parva pecunia. Neque enim parva est justitia, quam profecto et in parva pecunia custodire debemus, dicente Domino: Qui in minimo fidelis est, et in magno fidelis est 1. Quod ergo minimum est, minimum est; sed in minimo fidelem esse, magnum est. Nam sicut ratio rotunditatis, id est ut a puncto medio omnes lineae pares in extrema ducantur, eadem est in magno disco, quae in nummulo exiguo; ita ubi parva juste geruntur, non minuitur justitiae magnitudo.
36. De judiciis denique saecularibus (quibus utique nisi pecuniariis?) cum loqueretur Apostolus: Audet quisquam vestrum, inquit, adversus alterum habens negotium, judicari ab iniquis, et non apud sanctos? An nescitis quia sancti mundum judicabunt? Et si in vobis judicabitur mundus, indigni estis qui de minimis judicetis? Nescitis quia Angelos judicabimus, nedum saecularia? Saecularia igitur judicia si habueritis, eos qui contemptibiles sunt in Ecclesia, hos constituite ad judicandum. Ad reverentiam vobis dico. Sic non est inter vos quisquam sapiens, qui possit inter fratrem suum judicare? Sed frater cum fratre judicatur, et hoc apud infideles. Jam quidem omnino delictum est, quia judicia habetis vobiscum. Quare non magis iniquitatem patimini? quare non potius fraudamini? Sed vos iniquitatem facitis, et fraudatis, et hoc fratres. An nescitis quia injusti regnum Dei non haereditabunt 2? Quid est quod sic indignatur Apostolus, sic corripit, sic exprobrat, sic increpat, sic minatur? quid est quod sui animi [P. 0106] affectum tam crebra et tam aspera vocis mutatione testatur? quid est postremo quod de rebus minimis tam granditer dicit? Tantumne de illo negotia saecularia meruerunt? Absit. Sed hoc facit propter justitiam, charitatem, pietatem, quae, nulla sobria mente dubitante, etiam in rebus quamlibet parvulis magna sunt.
37. Sane si moneremus homines quemadmodum ipsa negotia saecularia vel pro se vel pro suis apud ecclesiasticos judices agere deberent, recte admoneremus ut agerent tanquam parva submisse: cum vero de illius viri disseramus eloquio, quem volumus earum rerum esse doctorem, quibus liberamur ab aeternis malis, atque ad aeterna pervenimus bona; ubicumque agantur haec, sive ad populum sive privatim, sive ad unum sive ad plures, sive ad amicos sive ad inimicos, sive in perpetua dictione sive in collocutione, sive in tractatibus sive in libris, sive in epistolis vel longissimis vel brevissimis, magna sunt. Nisi forte quoniam calix aquae frigidae, res minima atque vilissima est, ideo minimum aliquid atque vilissimum Dominus ait, quod eum qui dederit discipulo ejus, non perdet mercedem suam 3: aut vero quando iste doctor in Ecclesia facit inde sermonem, parvum aliquid debet existimare se dicere; et ideo non temperate, non granditer, sed submisse sibi esse dicendum. Nonne quando accidit ut de hac re loqueremur ad populum, et Deus adfuit ut non incongrue diceremus, tanquam de illa aqua frigida quaedam flamma surrexit 4, quae etiam frigida hominum pectora, ad misericordiae opera facienda, spe coelestis mercedis accenderet?
Übersetzung
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De la doctrine chrétienne
CHAPITRE XVIII. L'ORATEUR CHRÉTIEN N'A QUE DES SUJETS RELEVÉS A TRAITER.
35. Cicéron aurait pu nous montrer ces trois genres d'éloquence comme il les entendait, dans les causes profanes, mais non dans les matières religieuses qu'est appelé à traiter l'orateur chrétiens auquel nous nous adressons. Dans les causes profanes, on regarde comme simples les questions relatives aux biens de la fortune, et comme de la plus haute importance celles d'où dépend la vie ou la mort d'un homme. Les sujets étrangers aux intérêts de cette nature, et oit on ne s'attache à porter l'auditeur ni a une action ni à une résolution quelconque, mais uniquement à lui plaire, ont reçu le nom de sujets tempérés ou médiocres, comme tenant le milieu entre les uns et les autres. C'est ce qui leur a fait donner le nom qu'ils portent ; car ce n'est pas proprement, mais abusivement que nous appelons médiocre ce qui est petit. Il en est autrement dans les matières religieuses; les discours que nous adressons au peuple, surtout du haut de la chaire sacrée; ont pour objet d'assurer aux hommes, non la vie du temps, mais celle de l'éternité, et de les préserver d'une perte sans retour; là tout est grand, tout est relevé dans la bouche de l'orateur chrétien, même quand il parle de l'acquisition ou de la perte des biens de ce mondé, quelle qu'en soit la valeur. Car la justice, pour s'appliquer à ces intérêts de peu de valeur, n'en devient pas moindre, selon cette parole du Seigneur : « Celui qui est fidèle dans les petites choses, le sera aussi dans les grandes 1. » Ce qui en toi est petit, est petit ; mais être fidèle dans les petites choses, c'est quelque chose de grand. La nature du centre qui exige l'égalité de toutes les lignes aboutissant à la circonférence, est la même dans un cercle étroit que dans un cercle plus étendu. Ainsi en est-il de la justice : si elle s'exerce dans les moindres choses, elle ne perd rien de sa grandeur.
36. Voici du reste comme s'exprime l'Apôtre, au sujet des causes profanes; et de quoi y est-il question, sinon d'argent? « Comment se trouve-t-il quelqu'un parmi vous qui, ayant un différend avec son frère, ose l'appeler en jugement devant les infidèles, et non pas devant les saints ? Ne savez-vous pas que les saints doivent un jour juger le monde? Or, si le monde doit être jugé par vous, êtes-vous indignes de juger des moindres choses? Ne savez-vous pas que nous jugerons les Anges? Combien plus les choses du siècle? Si donc vous avez des différends entre vous touchant les intérêts de cette vie, prenez plutôt pour juges ceux qui tiennent le dernier rang dans l'Eglise. Je le dis pour vous faire rougir, n'y a-t-il donc parmi vous aucun homme sage qui puisse être juge entre ses frères? Mais un frère plaide contre son frère, et cela devant. des infidèles! C'est déjà certainement une faute que vous ayez des procès entre vous. Pourquoi ne supportez-vous pas plutôt qu'on vous fasse tort? Pourquoi ne souffrez-vous pas plutôt la fraude? Mais vous-mêmes vous lésez, vous fraudez et vos propres frères! Ne savez-vous pas que les injustes ne seront point héritiers du royaume de Dieu 2 ? » Pourquoi cette indignation de la part de l'Apôtre? pourquoi ces avertissements, ces reproches, ces réprimandes et ces menaces? Pourquoi dans sa parole ce ton si varié et si sévère pour exprimer le sentiment qui l'agite? Pourquoi enfin ce style grandiose pour des choses si minimes? Les intérêts de ce siècle valaient-ils donc la peine qu'il en parlât ainsi? Non, sans doute; mais il parle pour la justice, la charité et la piété qui, aux yeux de tout esprit sensé, sont toujours de grandes choses, même dans les affaires de moindre importance.
37. Sans doute si nous avions à enseigner aux hommes la manière de soutenir les intérêts temporels ou ceux de leurs proches devant les juges de l'Eglise, nous devrions leur apprendre à les traiter avec simplicité, comme des choses de peu de valeur. Mais nous parlons ici du langage d'un homme appelé à annoncer les grandes vérités qui nous préservent des maux éternels de l'enfer, et nous conduisent à l'éternel bonheur. Or, quelque part qu'on en parle, soit en public, soit en particulier, à un seul ou à plusieurs, à des amis ou à des ennemis, dans un discours suivi, ou dans une conférence, dans un traité, dans un livre, ou dans des lettres longues ou courtes, toujours ces vérités sont grandes et relevées. Parce qu'un verre d'eau froide est de soi la chose la plus simple et de la moindre valeur, s'en suit-il qu'on doive dédaigner aussi cet oracle du Seigneur, quand il affirme que celui qui aura donné ce verre d'eau à l'un de ses disciples, ne perdra pas sa récompense 3, et que l'orateur chrétien, en traitant ce sujet dans l'assemblée des fidèles, devra croire que sa parole n'a rien de grand pour objet, qu'il lui faudra laisser de côté le style tempéré et sublime pour se borner au style simple? Quand nous avons eu nous-même l'occasion de parler sur cette matière, et que nous l'avons pu faire assez heureusement, grâce à l'inspiration divine, n'avons nous pas vu, pour ainsi dire, jaillir de cette eau froide une flamme mystérieuse 4, qui allait embraser les cœurs les plus glacés, et les porter aux oeuvres de miséricorde, dans l'espoir de la récompense céleste ?