34.
« Et alors, pour qu'Adam n'étendit pas la main sur l'arbre de vie, afin de vivre éternellement, Dieu le chassa, dimisit, du paradis 1. » Si l'on veut presser le terme dimisit, on voit qu'il signifie plutôt laisser aller que chasser, ce qui parait très juste, pour marquer que par le poids de ses péchés Adam était poussé de lui-même dans le lieu qui convenait à son état. C'est ce qu'éprouve ordinairement l'homme méchant, quand après avoir commencé à vivre avec les bons, il ne s'améliore pas : le poids de sa mauvaise habitude l'entraîne loin de cette société des gens de bien: ceux-ci ne le chassent pas malgré lui, mais ils le laissent aller selon ses désirs. Dans les mots précédents: « Ne porrigeret Adam manum suant ad arborem vitae, » il y a encore une façon de parler équivoque. Nous parlons de cette sorte, soit quand nous disons: « Ideo te moneo ne iterum facias quod fecisti, » et nous voulons alors qu'on ne fasse plus ce que l'on a fait; soit quand nous disons : Ideo te moneo ne forte sis bonus; et nous voulons alors qu'on devienne bon. C'est comme s'il y avait : je t'avertis, ne désespérant pas que tu puisses être bon. L'Apôtre dit de la même manière : Ne forte det illis Deus poenitentiam ad vognoscendam veritatem, exprimant le désir et la possibilité de la pénitence et de la connaissance de la vérité pour ceux dont il parle 2. On peut donc croire que l'homme est sorti du Paradis pour être livré aux peines et aux travaux de la vie présente, afin qu'un jour il étende la main sur l'arbre de vie et vive éternellement : or l'extension de la main marque bien la croix par le moyen de laquelle on recouvre la vie éternelle. Si néanmoins nous comprenons les mots: Ne manum porrigat et vivat in aeternum, non dans le sens optatif, mais dans le sens prohibitif, il n'est pas injuste qu'après le péché la vote de la sagesse ait été fermée à l'homme, jusqu'à ce qu'au moment déterminé il revive par la miséricorde divine après avoir été mort, et qu'il se retrouve après avoir été perdu. L'homme est donc sorti du paradis de délices pour travailler sur la terre dont il a été formé, cri d'autres termes, pour travailler dans ce corps mortel, et mériter s'il est possible, la grâce du retour. Or il demeura à l'opposé du paradis 3, c'est-à-dire dans la misère, de tout point opposée à la vie bienheureuse. J'estime en effet que le nom de paradis signifie la vie bienheureuse.