43.
Chacun de nous, envisagé du côté des bonnes oeuvres et d'une vie bien réglée, voit la carrière de son existence partagée comme en six jours distincts, après lesquels il doit espérer le repos. Au premier jour c'est la lumière de la foi, on croit à ce qui est visible et c'est pour donner cette foi que le Seigneur a daigné apparaître visiblement. Au second jour, c'est la fermeté de la vie réglée; on distingue les choses de la chair de celles de l'esprit, de même que le firmament sépare les eaux inférieures de celles qui sont au dessus. Au troisième jour, pour porter les fruits des bonnes oeuvres, on dégage son âme de la souillure des passions, on la dérobe aux flots des tentations de la chair ; comme Dieu a séparé la terre ferme des flots de la mer ; en sorte qu'on peut dire : « Par l'esprit, je suis soumis à la loi de Dieu et par la chair à la loi du péché 1. » Au quatrième jour, appuyé, sur le fondement de l'éducation religieuse, on produit et on distingue les idées spirituelles: on voit ce qu'est l'immuable vérité qui brille dans l'âme semblable au soleil; on voit comment l'âme devient participante de cette même vérité et donne l'ordre et la beauté au corps, comme la lune qui éclaire la nuit ; on voit comment les idées spirituelles, semblables aux étoiles dans les ténèbres, brillent et resplendissent dans l'obscurité de cette vie mortelle. Fortifié par ces connaissances on doit, au cinquième jour, commencer à agir dans les vagues de ce monde si plein d'agitation, comme dans les eaux de la mer, pour l'avantage de la société qu'on forme avec ses frères ; et par les mouvements corporels qui appartiennent à la mer de cette vie, on doit faire naître les reptiles d'âmes vivantes, c'est-à-dire, des oeuvres qui servent aux vivants, et les grands poissons, c'est-à-dire des actions très-généreuses contre lesquelles se brisent et demeurent inutiles les flots de ce monde; enfin les oiseaux du ciel, c'est-à-dire la prédication des choses célestes. Au sixième jour on doit produire de la terre une âme vivante, c'est-à-dire, que par la stabilité de son esprit où on renferme des fruits spirituels, en d'autres termes de bonnes pensées, on doit régler tous ses mouvements intérieurs de manière qu'il y ait eu soi une âme vivante, une âme soumise à la raison et à la justice, non au caprice et au péché. Ainsi encore l'homme doit se faire à l'image et à la ressemblance de Dieu, mâle et femelle, par l'entendement et l'action; deux facultés dont l'union produira une génération toute spirituelle qui remplira la terre, soumettra la chair et fera tout ce que nous avons dit plus haut en parlant de l'homme dans son état de perfection. Or pour ces sortes de jours, le soir consiste dans l'achèvement de chaque opération, et le matin dans le commencement de celle qui vient ensuite. Après avoir durant ces six jours fait des oeuvres excellentes, l'homme doit espérer un repos éternel et comprendre ce que signifient ces paroles : « Le septième jour Dieu se reposa de tous ses ouvrages 2. » C'est Dieu lui-même qui fait en nous les oeuvres qu'il nous commande de faire ; c'est donc avec raison qu'on lui attribue le repos, quand après toutes ces Oeuvres il doit nous le donner. D'ailleurs, si l'on peut dire qu'un père de famille bâtit une maison, quoiqu'il ne la fasse pas de ses propres mains, mais par le travail de ceux qu'il commande après avoir loué leurs services ; on dit justement aussi qu'il se repose de ses ouvrages; quand la maison étant finie, il permet le repos et un doux loisir à ceux qui étaient sous ses ordres.