13.
Et comment, va-t-on dire, Dieu adressait-il un discours à ceux qui ne pouvaient encore ni entendre ni concevoir, en l'absence de tout être capable d'accueillir ses paroles? Je pourrais répondre que Dieu leur a parlé, au même titre que Jésus-Christ s'est adressé à nous longtemps avant notre naissance, et non-seulement à nous, mais encore à tous ceux qui naîtront après nous. Il parlait en effet à tous les fidèles qu'il voyait dans l'avenir, lorsqu'il disait : « Voilà « que je suis avec vous jusqu'à la consommation du siècle 1. » C'est encore ainsi qu'était connu de Dieu le prophète à qui il disait : « Avant de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais 2; » que Lévi, qui reçoit la dîme, l'avait en quelque sorte payée dans la personne d'Abraham, son aïeul 3. Pourquoi donc Dieu n'aurait-il pas également vu Abraham dans Adam, et Adam, dans les êtres qu'il créa tous à la fois? Sans doute les paroles du Seigneur prononcées par l'organe de sa créature, par la bouche de ses prophètes, exigent une voix pour se faire entendre et chaque syllabe se produit dans un intervalle de temps; il n'en était pas de même quand Dieu disait : « Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance et qu'il domine sur le poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, les animaux domestiques et les reptiles de la terre; » ou encore : « Croissez et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la à votre empire; » ou bien : « Je vous ai donné toute herbe qui porte semence, tout arbre fruitier avec sa semence : ce sera votre nourriture 4. » La parole, antérieure à toute vibration de l'air, à toute voix échappée d'une nue ou sortie d'une bouche humaine, se prononçait dans la Sagesse souveraine par qui tout a été fait : elle ne retentissait pas aux oreilles, elle déposait dans les êtres créés les principes des êtres à venir; elle formait avec une puissance infinie les êtres destinés à voir le jour; quant à l'homme qui devait se former au moment marqué, elle le créait à l'origine, et pour ainsi dire l'entait sur la racine des temps, quand elle établissait, quoique antérieur à tous les siècles, le principe qui devait ouvrir la marche des siècles. Les créatures se précèdent, tantôt en date, tantôt comme causes : Dieu ne dépasse pas seulement ses créatures par la puissance souveraine qui en fait le Créateur des causes mêmes, il les précède de toute son éternité. Mais ces réflexions seront peut-être mieux appelées par d'autres passages de l'Écriture.