21.
On ne doit pas non plus croire avec quelques personnes que l'homme est le principal ouvrage de Dieu parce qu'il commanda pour créer les autres êtres, tandis que lui-même fit l'homme : la véritable raison est qu'il le fit à son image. Les expressions: «Il dit et les choses furent 1, » révèlent que le monde fut créé par le Verbe, autant que cette vérité peut être représentée à l'homme par l'entremise d'un homme et au moyen de paroles qui exigent du temps pour se concevoir et se produire. Or, Dieu ne parle ainsi que lorsqu'il emploie un organe, comme il fit en parlant à Abraham et à Moïse; ou une nuée, comme il fit en proclamant le nom de son Fils. Mais ce fut antérieurement à toutes les créatures, et pour les tirer du néant, que cette parole fut prononcée dans le Verbe qui « au commencement était en Dieu et Dieu lui-même ; » et comme « tout a été fait par le Verbe et que rien n'a été fait sans lui 2, » l'homme a été également fait par le Verbe. Assurément il a fait le ciel par sa parole : « il dit , et il fut fait. » Cependant il a été écrit : « Les cieux sont les ouvrages de vos mains 3. » Il est également écrit de cette région qui est comme le fond de l'univers : « La mer est à lui, il l'a faite lui-même, et ses mains ont façonné la terre 4. » Qu'on ne croie donc pas que ce passage de l'Ecriture ait trait à la grandeur de l'homme, comme si Dieu eût fait l'homme, tandis qu'il commandait au reste de se former, ou qu'il eût fait tous les êtres avec sa parole , tandis qu'il façonnait l'homme de ses mains. La supériorité de l'homme ne consiste que dans le don de la raison qui l'élève au-dessus des animaux, comme nous l'avons vu déjà. Et quand l'homme ne comprend pas le rang qu'il occupe et sa dignité qui consiste à bien agir, il tombe au rang des bêtes. « L'homme, placé à un si haut rang, ne l'a point compris: il s'est comparé aux animaux sans raison et leur est devenu tout semblable 5. » Dieu a bien fait les animaux, mais il ne les a pas faits à son image.