CXLV. (Ib. XLIV, 15.)
Sur la science divinatoire de Joseph. — « Ne saviez-vous pas qu'un homme tel que moi découvre ce qui est caché? » On demande ordinairement ce que signifient ces paroles de Joseph à ses frères; ce que c'est que cette divination dont son intendant, d'après son ordre, a déjà parlé à ses frères. Parce qu'il ne parlait pas sérieusement, mais par jeu, comme la suite le démontre, faut-il ne pas voir un mensonge dans ces paroles ? Les menteurs, en effet, mentent sérieusement, et non par plaisanterie; et quand on dit, pour rire, des choses qui ne sont pas, cela ne s'appelle pas mensonge. Mais voici une question plus grave : que signifie la conduite de Joseph, quand il se joue tant de fois de ses frères, avant de se faire connaître à eux, et les laisse plongés dans une si grande incertitude ? Il est vrai que tontes ces particularités sont d'autant plus attachantes à la lecture , qu'elles furent plus surprenantes pour ceux à qui elles arrivèrent; cependant, eu égard à la gravité et à la sagesse de Joseph, à moins qu'une signification importante ne fût attachée à cette espèce de jeu, ces choses ne se seraient point produites à son instigation, et l'Ecriture, monument d'une sainteté si autorisée et source cachée de tant de mystères à venir, ne les aurait pas rapportées; nous n'avons pas entrepris d'en donner ici une exposition suivie , mais nous avons voulu seulement signaler ce. qu'il importe de découvrir dans ce passage. Aussi bien, ce n'est pas, je pense, sans raison que Joseph ne dit pas : Je devine ce qui est caché, mais : « Un homme tel que moi devine ce qui est caché. » Si c'est une manière de parler propre à l'Ecriture, il faut qu'on retrouve quelque chose de semblable dans le corps de ce divin ouvrage.