LIX. (Ib. XXII, 12.)
Est-ce par égard pour l'ange ou par égard pour Dieu, qu'Abraham était prêt à ne pas épargner son fils? — « Et pour moi tu n'as pas épargné ton fils bien-aimé. » Est-ce par égard pour l'Ange, et non par égard pour Dieu qu'Abraham n'a pas épargné son fils? Ainsi, de deux choses l'une : ou sous ce nom d'Ange est désigné le Christ notre Seigneur, qui est Dieu sans aucun doute, et que le Prophète appelle manifestement : « l'Ange du grand conseil 1; » ou bien, c'est que Dieu était dans l'Ange et celui-ci, comme il arrive souvent dans les prophètes, parlait au nom de Dieu. Ce dernier sens paraît se dessiner d'une manière plus évidente dans les paroles suivantes du texte : « Et l'Ange du Seigneur appela de nouveau Abraham du haut du ciel, disant: J'ai juré par moi-même, dit le Seigneur. » Il est difficile en effet de trouver que ce Christ nomme Dieu le Père son Seigneur, dans le temps surtout qui précéda l'Incarnation. Eu égard à la forme d'esclave qu'il a prise, cette expression semble ne pas manquer de convenance. En effet pour prophétiser cet événement il est dit dans un psaume : « Le Seigneur m'a dit: Tu es mon Fils. 2 » Mais il est difficile de découvrir dans l'Évangile même, que le Christ appelle Dieu le Père son Seigneur, parce que celui-ci le serait en vérité, quoiqu'il l'appelle Dieu, dans ce passage où on dit: « Je vais vers mon Père et votre Père ; vers mon Dieu, et votre Dieu 3. » Quant à ces paroles de l’Ecriture : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur 4, » c'est au nom de celui qui parle qu'elles sont prononcées : «Le Seigneur a dit à mon Seigneur, » c'est-à-dire, Le Père a dit au Fils. Ainsi ces autres paroles : « Le Seigneur fit pleuvoir de la part du Seigneur 5, » sont dites également au nom de l'écrivain sacré et en voici le sens : Le Seigneur de cet écrivain envoya la pluie de la part de son Seigneur; notre Seigneur de la part de notre Seigneur, le Fils de la part du Père.