23.
Il dit ensuite que « la montagne de Dieu est une montagne laiteuse, une montagne fertile » , afin que nul n’ose désormais comparer Notre-Seigneur Jésus-Christ aux autres montagnes, appelées aussi montagnes de Dieu ; on lit en effet : « Votre justice est comme les montagnes de Dieu1»; de là vient que l’Apôtre a dit : « Afin que nous aussi, nous soyons en lui la justice de Dieu2 ». C’est de ces montagnes qu’il est dit ailleurs : « Vous projetez du haut de vos montagnes éternelles une lumière admirable3 » : parce que la vie éternelle leur a été donnée, que par elle l’éminente autorité des livres saints a été consolidée; mais elles empruntaient leur lumière à celui à qui il est dit : « C’est vous qui éclairez. J’ai levé les yeux vers la montagne, d’où me viendra le secours » : et cependant ce n’est point par elles-mêmes que ces montagnes me donneront du secours; mais « mon secours me viendra du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre4 ». Une de ces montagnes, quoique supérieure, après avoir dit qu’elle avait travaillé plus que toutes les autres ajoutait « Non pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi5 ». Afin donc que nul n’ait l’audace de comparer cette montagne qui désigne le plus beau des fils des hommes6, à ces autres montagnes, qui sont les fils des hommes: car il y en eut qui dirent que ce Fils était Jean-Baptiste, d’autres Elie, d’autres Jérémie, ou quelqu’un des Prophètes7; voilà que David les apostrophe en disant : « Pourquoi vous imaginer que les montagnes fertiles, sont la montagne sur laquelle il a plu au Seigneur d’habiter? Pourquoi le soupçonner8? » Ils sont à la vérité des lumières, puisqu’il leur a été dit: « Vous êtes la lumière du monde9 » ; mais voici encore une autre parole: « Lumière véritable, qui éclaire tout homme10» ; de même ces Apôtres sont des montagnes, et néanmoins il est une montagne bien supérieure, établie sur le sommet des autres montagnes11. Ces montagnes tirent donc leur gloire de celle qu’elles portent ; et l’une d’elles a dit: « A Dieu ne plaise que je me glorifie, sinon en la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde est crucifié pour moi et moi tour le monde12 : afin que celui qui se glorifie, ne se glorifie point en lui-même, mais en Dieu13. Pourquoi vous « imaginer que les montagnes fertiles sont cette montagne, en laquelle il plaît au Seigneur d’habiter? » Non pas qu’il n’habite point dans les autres; mais parce qu’il y habite par lui-même. « Car c’est en lui que réside la plénitude de la divinité14 »; non pas d’une manière figurative comme dans le temple construit par Salomon15, mais d’une manière corporelle, ou solide et réelle. « Car Dieu était en lui se réconciliant le monde16», Soit que nous entendions ceci du Père, puisque le Christ a dit : « C’est le Père, qui demeure en moi, qui accomplit les oeuvres. Je suis en mon Père, et mon Père est en moi17 »; soit que l’on entende par là que « Dieu était dans le Christ », le Verbe dans l’homme; le Verbe n’en était pas moins dans la chair, de manière que lui seulement être appelé spécialement le Verbe fait chair18, c’est-à-dire l’homme ne formant avec le Verbe qu’une seule personne qui est le Christ. « Pourquoi donc vous imaginer que les montagnes fertiles sont cette même montagne en laquelle il a plu à Dieu d’habiter » ; et bien autrement qu’en ces autres montagnes dont l’une vous paraît être lui-même? Bien qu’ils soient enfants de Dieu par la grâce de l’adoption, il n’en faut pas conclure que l’un d’eux est le Fils unique de Dieu, à qui son Père disait: « Asseyez-vous à ma droite jusqu’à ce que je vous aie fait de vos ennemis un marchepied19 . Car le Seigneur habitera jusqu’à la fin » ; c’est-à-dire, le Seigneur habitera ces montagnes qu’il ne faut point comparer à cette autre montagne, élevée sur le point culminant des montagnes20, pour les diriger à leur terme, lequel est lui-même contemplé dans sa divinité; « car, le Christ est la fin de la loi pour justifier ceux qui croiront21 ». Il a donc plu à Dieu d’habiter cette hauteur élevée sur le sommet des montagnes, et à qui il dit : « Vous êtes mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis mes complaisances22 ». Or, le Seigneur est lui-même une montagne qui habitera, pour les mener à leur fin, ces autres montagnes sur lesquelles il est élevé. « Il n’y a qu’un seul Dieu et un médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme23 » , qui est la montagne des montagnes, comme le Saint des saints. De là cette parole : « Moi en eux, et vous en moi24. Pourquoi donc vous imaginer que les montagnes fertiles sont la montagne qu’il a plu au Seigneur d’habiter? » Car le Seigneur, montagne fertile, habitera les autres montagnes fertiles pour les conduire à leur fin, de sorte qu’elles feront partie de celles auxquelles il a dit : « Sans moi vous ne pouvez rien faire25».
-
Ps. XXXV, 7. ↩
-
II Cor. V, 21. ↩
-
Ps. LXXV, 5. ↩
-
Id, CXX, 1, 2. ↩
-
I Cor. XV, 10. ↩
-
Ps. XLIV, 3 ↩
-
Matth. XVI, 14. ↩
-
Ps. LXVII, 17. ↩
-
Matth. V, 14. ↩
-
Jean, I, 9. ↩
-
Isaïe, II, 2. ↩
-
Gal. VI, 14, ↩
-
I Cor. I, 31. ↩
-
Coloss, II, 9. ↩
-
III Rois, VI, 1. ↩
-
II Cor. V, 19. ↩
-
Jean, XIV, 10. ↩
-
Id. I, 14. ↩
-
Ps. CIX,1. ↩
-
Isaïe, II, 2. ↩
-
Rom. X, 4. ↩
-
Matth. III, 17. ↩
-
I Tim. II, 5. ↩
-
Jean, XVII, 23. ↩
-
Id. XV, 5. ↩