10.
« Que leur habitation devienne déserte1 ». Voilà ce qui est manifeste. De même qu’il ne demandait pas seulement une délivrance occulte, quand il disait : « Veillez sur mon âme et délivrez-la », mais qu’il la voulait d’une évidence corporelle, quand il ajoutait: « Délivrez-moi à cause de mes ennemis » : de même ici, il prédit à ses ennemis quelques-unes de ces calamités obscures dont il parlait tout à l’heure. Combien, en effet, voit-on d’hommes pour comprendre le malheur de celui dont le coeur est aveuglé? Qu’il vienne à perdre les yeux du corps, chacun plaint son infortune : qu’il perde les yeux de l’esprit, tout en demeurant dans l’abondance de tout bien, on vante son bonheur; mais ceux-là seulement qui sont aveuglés comme lui. Quelle évidence faut-il donc, pour que chacun voie la vengeance exercée contre eux? Car l’aveuglement des Juifs est une vengeance cachée : quelle sera la vengeance manifeste? « Que leur habitation soit déserte, et que nul n’habite sous leurs tentes ». Voilà ce qui est arrivé pour la ville de Jérusalem, dans laquelle on vit les principaux crier contre le Fils de Dieu : « Crucifiez-le, crucifiez-le2 » ; et prévaloir sur lui, puisqu’ils eurent le pouvoir de mettre à mort celui qui avait ressuscité les morts. Combien alors ils se crurent et grands et puissants ! Vinrent ensuite les représailles du Seigneur; la ville fut prise d’assaut, les Juifs vaincus, et combien de milliers d’hommes égorgés! Aujourd’hui aucun juif n’y peut retourner. Le Seigneur ne leur permet point d’habiter ces mêmes lieux où ils purent crier si fort contre lui. Ils ont perdu ce séjour de leur démence, et puissent-ils connaître, même aujourd’hui, le lieu de leur repos! Quel bien leur a fait Caïphe en s’écriant: « Si nous le laissons ainsi, les Romains viendront et nous extermineront, nous et notre ville3? » Ils ne l’ont point laissé vivre et pourtant il vit ; et les Romains leur ont enlevé et la ville et la puissance. Tout à l’heure, à la lecture de l’Evangile, nous entendions ces paroles : « Jérusalem, Jérusalem, combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et tu n’as pas voulu? Voilà que votre habitation deviendra déserte4 ». C’est là ce qui est dit ici : « Que leur habitation soit déserte et que nul n’habite sous leur tente. Que nul n’y habite », mais nul d’entre eux. Car ces mêmes lieux sont habités par beaucoup d’hommes, mais par aucun juif.