17.
Ensuite, après cette courte exposition, le Prophète reprend le cours de son récit : « Parce qu’ils n’ont pas cru en Dieu, ni espéré dans son salut ». Après nous avoir dit pourquoi le feu de sa colère s’est allumé contre Jacob, et sa fureur contre Israël, c’est-à-dire, parce qu’ils n’ont pas cru en Dieu ni espéré dans son salut » ; il énumère à l’instant tous les bienfaits visibles qu’ils reçurent avec ingratitude. « Il avait cependant commandé aux nuées, et ouvert les portes du ciel. Il leur avait fait pleuvoir la manne pour apaiser heur faim, et donné le pain du ciel. L’homme mangea le pain des anges1. Dieu leur donna des viandes en abondance. Il fit élever dans les airs le vent d’Orient, et par sa puissance le vent du midi. Il répandit les viandes comme la poussière, et les oiseaux comme le sable des mers. Il les fit tomber au milieu de leur camp, autour de leurs tentes. Et ils mangèrent et furent rassasiés ; « Dieu contenta leurs désirs». Voila pourquoi il différait ; mais écoutons ce qu’il a différé. « Les viandes étaient encore dans leurs bouches, quand la colère de Dieu s’alluma contre eux2». Voilà ce qu’il avait différé. Tout d’abord « il différa » ; puis ensuite « sa colère s’alluma contre Jacob, et sa fureur contre Israël ». Si donc il avait différé, c’était dans le dessein de faire d’abord ce qu’ils croyaient impossible à sa puissance, et de les châtier ensuite comme ils le méritaient. S’ils eussent mis en Dieu leur espérance, il eût satisfait en eux, non-seulement leurs désirs charnels, mais les désirs de l’esprit. En effet, «Celui qui a pu commander aux nuées, ouvrir les portes du ciel, faire tomber la manne pour les nourrir, et leur donner le pain du ciel de manière que l’homme mangeât le pain des anges, qui leur adonné des vivres en abondance » pour rassasier ces incrédules, est assez puissant pour donner, à ceux qui croient en lui, le vrai pain du ciel dont la manne était la figure ; ce pain qui est vraiment le pain des anges, ce Verbe de Dieu, aliment incorruptible de ceux qui sont incorruptibles : c’est pour être la nourriture de l’homme qu’il s’est fait chair, et a demeuré parmi nous3. C’est là le pain que les nuées de l’Evangile font pleuvoir dans le monde entier. Il ouvre les coeurs des prédicateurs, comme des portes célestes, pour annoncer sa parole, non plus à.une synagogue qui murmure et tente le Seigneur, mais à l’Eglise qui croit et met son espoir en lui. Celui qui « a fait lever dans les airs le vent d’orient, et souffler par sa puissance le vent du midi; qui leur fait pleuvoir les viandes comme la poussière, et les oiseaux comme le sable des mers; qui les a fait tomber au milieu de leur camp, autour de leurs tentes, pour leur en faire manger et les rassasier; qui a comblé leurs convoitises et ne les a point privés de leur désir »; celui-là peut nourrir la foi faible encore de ceux qui croient en lui sans chercher à le tenter par des signes et des paroles qui sortent de la chair, et qui traversent les airs à la façon des oiseaux. Ces paroles toutefois ne viendront point de l’Aquilon, région froide et ténébreuse, c’est-à-dire de l’éloquence mondaine qui plaît aux hommes, mais en faisant souffler dans les cieux le vent du midi. Où soufflera-t-il, sinon sur la terre ? afin que Les faibles dans la foi entendent ce qui est de la terre, et se fortifient pour comprendre les choses du ciel. « Si je vous dis des choses terrestres et que vous ne les croyiez pas, dit le Sauveur, comment croirez-vous les choses du ciel4 ? » Il était en quelque sorte transféré du ciel, ce même saint Paul ravi jusqu’à Dieu en extase, et qui, se proportionnant à ses auditeurs, leur disait : « Je n’ai point voulu vous prêcher comme à des hommes spirituels, mais bien comme à des hommes charnels5 ». Ravi en Dieu il avait entendu des paroles ineffables6, qu’il ne lui état pas donné d’exprimer sur la terre en ces sons articulés qui voltigent contre l’oiseau. Il a fait souffler l’Africus par sa puissance, c’est-à-dire ces vents du midi, ces souffles de la prédication qui portent la chaleur et la lumière. Tel est l’effet « de sa puissance », afin que l’Africus ne s’attribue point ce qui lui vient de Dieu. Ces vents donc viendront d’eux-mêmes vers les hommes, et leur apporteront les paroles venues d’en haut; afin que chacun, demeurant à sa place, ramasse autour de son pavillon ces sortes d’oiseaux, et adore Dieu dans le rang qu’il occupe, et que toutes les îles des nations arrivent à le connaître7.