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« Mais lui, plein de miséricorde, leur pardonnera leurs offenses, et ne les perdra point: sans cesse il retient sa colère, et ne laisse point s’allumer sa fureur. Il se souvient qu’ils ne sont que chair, un esprit qui s’en va pour ne plus revenir1 ». Plusieurs, en lisant ces paroles, comptent sur la bonté de Dieu pour l’impunité de leurs crimes, même lorsqu’ils y demeurent, comme cette génération, que le Prophète appelle « indocile et rebelle, dont le coeur n’était pas droit, et dont l’esprit ne croyait point en Dieu » : avec laquelle toute ressemblance est funeste. Si. Dieu, en effet, pour parler leur langage, ne perd point les méchants, il est certain qu’il ne perdra point non plus les bons. Pourquoi ne pas choisir de préférence ce qui est hors de doute? Ceux dont la langue est menteuse, et dont le coeur tient un autre langage, pensent que Dieu est menteur, désirent même qu’il le soit, quand il menace de châtiments éternels ces prévaricateurs. Mais ni eux ne peuvent tromper Dieu par leurs «mensonges, ni Dieu nous tromper par sa vérité. Que cette génération dépravée ne détériore point les oracles divins, dont elle se glorifie, comme elle a détérioré son coeur; malgré cette corruption du coeur, les paroles de Dieu demeurent incorruptibles. C’est dans ce sens, en effet, que nous pouvons entendre ces paroles de l’Evangile : « Afin que vous soyez les enfants de votre Père céleste, qui fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes2 ». Qui ne voit avec quelle patiente miséricorde il pardonne aux méchants, mais avant de les juger? C’est ainsi qu’il épargna cette nation, et réprima sa colère pour ne pas la détruire et l’exterminer entièrement; c’est là ce que nous voyons dans les paroles de Dieu, dans les supplications de Moïse pour obtenir le pardon de leurs péchés, alors que Dieu lui dit : « Je les exterminerai, et te ferai le chef d’une grande nation3». Moïse insiste, déterminé à périr plutôt qu’eux; il savait qu’il parlait à un Dieu plein de miséricorde, qui ne pourrait le détruire, et qui leur pardonnerait en sa faveur. Voyons en effet, combien Dieu a pardonné, combien il pardonne encore. Il a introduit ces rebelles dans la terre promise, et conservé cette nation jusqu’à ce qu’ils se fussent engagés à tuer le Christ, par le plus grand de tous les crimes; bien qu’il les ait arrachés de leur terre pour les disséminer chez tous les peuples du monde, néanmoins il ne les a point détruits. Ce peuple subsiste encore, et se conserve par une succession continuelle, portant un signe, comme autrefois Caïn4, afin qu’on ne le détruise pas entièrement. Ainsi s’accomplit cet oracle: « Dieu est plein de miséricorde, il pardonnera leur crime, et ne les perdra point. Sans cesse il retient sa colère, et n’aie turne point sa fureur». S’il se livrait à toute sa colère, c’est-à-dire autant qu’ils en sont dignes, rien ne demeurerait de cette race criminelle. Ainsi ce même Dieu dont le Prophète chante la miséricorde et le jugement5, pousse, encore aujourd’hui, la miséricorde jusqu’à faire luire son soleil sur les bons et sur les méchants », et à la fin du monde, au jugement, il séparera les méchants de la lumière éternelle, pour les jeter dans des ténèbres sans fin.