1.
Le titre du psaume quatre-vingt-septième a quelque chose de nouveau, qui embarrasse l’interprète. Dans aucun autre psaume, nous ne trouvons ce que nous rencontrons ici: « Pour Melech, à répondre». Nous avons pu voir ailleurs ce que signifie et psaume du cantique, et cantique du psaume; souvent encore nous avons expliqué ces expressions: « Aux fils de Coré », que nous rencontrons fréquemment, ainsi que « pour la fin » ; mais ces expressions: « Pour Melech, à répondre », c’est là un titre nouveau. « Pour Melech », peut se traduire en latin, pour le choeur, car le mot hébreu « Melech », signifie choeur. Or, qu’est-ce à dire pour le choeur, à répondre? sinon que le choeur doit unir ses accords pour répondre à celui qui chante? D’autres psaumes, nous devons le croire, ont été chantés de la sorte, bien qu’ils aient eu d’autres titres; c’était sans doute un moyen de varier, et d’éviter l’ennui. Car celui-ci n’est pas le seul auquel tout un choeur ait répondu, puisqu’il n’est pas le seul qui prophétise la passion du Seigneur. S’il y a une autre raison qui motive la variété des titres, et par laquelle on puisse nous montrer que dans cette variété, cloaque titre est tellement propre à chacun des psaumes, qu’il ne pourrait servir à un autre; j’avoue pour moi, qu’après bien des efforts, je n’ai pu la découvrir; et ce que j’ai vu de ce qu’ont écrit ce qui en ont parlé avant moi, n’a pu répondre ou à mon attente, ou à ma lenteur. Je dirai donc ce qui me paraît de mystérieux dans cette expression: Pour le choeur à répondre, c’est-à-dire en quoi le choeur doit répondre au chantre. Il y a ici une prophétie de la passion du Seigneur. Or, l’apôtre saint Pierre a dit: « Le Christ a souffert pour nous, afin que nous suivions ses traces1»; c’est là répondre. L’apôtre saint Jean dit à son tour: « De même que le Christ a donné sa vie pour nous, de même nous devons donner notre vie pour nos frères2 ». Voilà répondre encore. Or, le choeur désigne l’accord qui est le fruit de la charité. Quiconque, dès lors, pour imiter la passion du Sauveur, livrerait son corps aux flammes, sans avoir la charité, ne répondrait point en choeur, et cela ne lui servirait de rien3 . Ainsi donc, de même que dans l’art musical, il y a, comme les savants ont pu l’exprimer en latin, le praecentor et le succentor, le premier pour donner au chant l’intonation, le second pour chanter ensuite; de même dans ce cantique de la passion, après le Christ qui ouvre la marche, vient le choeur des martyrs, qui le suit jusqu’à la fin ou l’acquisition des couronnes éternelles. Ce chant est en effet « pour les fils de Coré », or pour ceux qui imiteront la passion du Christ. Car le Christ a été crucifié au Calvaire4, et en hébreu calvaire se dit Coré. Ce serait là le sens « d’Eman Israélite », qui termine le titre du psaume, car Eman signifie son frère. Or, le Christ a élevé au rang de ses frères, ceux qui ont compris le mystère de la croix, qui loin d’en rougir y mettent au contraire toute leur gloire, sans s’élever de leurs mérites, sans méconnaître sa grâce; en sorte que l’on peut dire à chacun d’eux: « Voilà un vrai Israélite sans déguisement5 »; ainsi que l’Ecriture témoigne de Jacob qu’il était sans fraude6. Ecoutons donc la voix prophétique du Christ, qui chante en ce psaume, afin que le choeur de ses saints lui réponde, soit en l’imitant, soit en lui rendant grâces.