23.
« Je comblerai ses veuves de bénédictions, et ses pauvres je les rassasierai de pain1 ». Toute âme est veuve dès qu’elle se voit dénuée de tout secours autre que celui de Dieu. Quelle peinture, en effet, l’Apôtre nous fait-il de la veuve? « Celle qui est vraiment veuve et désolée», nous dit-il, « a mis sa confiance dans le Seigneur ». Or, il parlait de ces veuves que nous appelons tous ainsi dans l’Eglise. Car il avait dit : « Celle qui vit dans les délices est morte, quelque vivante qu’elle soit », et il ne la compte pas au nombre des veuves. Mais que dit-il à propos des veuves saintes? « Celle qui est vraiment veuve et désolée a mis son espérance dans le Seigneur, et persévère nuit et jour dans les prières et les saintes supplications ». Puis il ajoute « Pour celle qui vit dans les délices, elle est morte , quelque vivante qu’elle soit2 ». Pourquoi donc l’autre est-elle veuve? Parce qu’elle n’a d’autre secours que celui de Dieu. Des femmes qui ont leurs maris, tirent des secours de ces maris une certaine vanité; une femme veuve paraît abandonnée, et son appui n’en est que plus solide. Toute l’Eglise n’est donc qu’une seule veuve. Elle est veuve dans les hommes, veuve dans les femmes, veuve dans les personnes mariées, veuve dans les femmes qui ont un époux, veuve dans les jeunes gens, veuve dans les vieillards, veuve dans les vierges. Toute l’Eglise ne forme qu’une seule veuve, et une veuve abandonnée en ce monde; si elle comprend son état, si elle est persuadée de sa viduité, elle trouve près d’elle un fort appui. Ne reconnaissez-vous pas, mes frères, cette veuve dans l’Evangile, quand le Seigneur nous dit qu’il faut toujours prier, et ne jamais cesser de prier? « Il y avait », dit-il, « dans une ville, un juge qui ne craignait pas Dieu, et ne s’inquiétait point des hommes; et chaque jour une veuve s’en venait le trouver en disant : Faites-moi justice de mon adversaire ». Or, à force de l’importuner, elle le fatigua enfin. « Car ce juge qui ne craignait pas Dieu, et qui n’avait aucun souci des hommes, se dit en lui-même : Quoique je n’aie nulle crainte de Dieu, nul souci des hommes, je lui rendrai néanmoins justice, à cause de son importunité3 ». Si ce juge corrompu entendit cette veuve, de peur qu’elle ne l’importunât davantage, Dieu pourrait-il ne pas exaucer son Eglise, qu’il exhorte lui-même à la prière?