1.
Bien des gens murmurent sous la main de Dieu, et voyant les justes souvent accablés d'afflictions pendant cette vie, ils demandent quel profit ils ont à servir Dieu, puisqu'ils partagent les maux communs; qu'ils souffrent autant que les autres dans leur corps, dans leur fortune, dans leur honneur; qu'ils ont part à tout ce que les hommes regardent comme mal; qu'ils souffrent même davantage, à cause de la' parole de Dieu, à cause de la justice dont le joug est douloureux aux pécheurs et qui devient, contre ceux qui la prêchent, une occasion de mouvements séditieux, d'embûches et de haines. Nous répondons que, si les hommes n'avaient point à attendre d'autre vie que celle-ci, on aurait raison de dire qu'il ne sert à rien, qu'il est même nuisible de mener la vie du juste. Bien qu'il ne manque pas d'hommes qui pensent que les charmes de la vertu et la joie intérieure qu'elle procurent compenseraient tellement les peines et les inconvénients inséparables de la condition humaine, et aussi les injustices que la vertu attire sur ceux qui la pratiquent, qu'on éprouverait, même en dehors de l'espoir d'une autre vie, plus de satisfaction et de bonheur dans les tourments subis pour la vérité, que les débauchés n'en goûtent dans l'ivresse de leur passion.