CHAPITRE IX. EN QUOI CONSISTE LA BONTÉ DU MARIAGE.
9. Il est à remarquer que parmi les dons de Dieu, il en est que l'on doit rechercher pour eux-mêmes, tels sont la sagesse, la santé, l'amitié; il en est d'autres qui ne sont nécessaires que comme moyens, tels sont la science, la nourriture, la boisson, le sommeil, le mariage et les relations conjugales. Parmi les derniers actes les uns sont nécessaires à la sagesse , telle est la science; les autres sont nécessaires à là santé, tels sont la nourriture, le breuvage, le sommeil; d'autres enfin sont nécessaires à l'amitié, comme le mariage et l'acte qui lui est propre ; car c'est sur lui que repose la propagation du genre humain, pour qui les relations de l'amitié sont un bien si grand. Quant aux biens qui sont nécessaires comme moyens, celui qui n'en use pas dans le but qui leur est assigné, pèche tantôt véniellement, tantôt mortellement. Au contraire c'est bien agir que d'en user d'une manière subordonnée à leur but; ruais ne pas en user quand ils ne sont pas nécessaires, c'est agir bien mieux encore. Les désirer quand le besoin s'en fait sentir, c'est bien ; mais c'est mieux encore de ne pas en vouloir, car c'est pour nous un état plus parfait de ne pas en avoir besoin. D'où il suit qu'il est bon de se marier, parce qu'il est bon de créer des enfants, d'être mère de famille1. Mais il est mieux de ne pas se marier, car il est mieux, pour le bien même de la société, de ne pas avoir besoin du mariage. Je m'explique ainsi, parce qu'aujourd'hui nous trouvons, non-seulement parmi ceux qui sont engagés dans le mariage, mais même parmi ceux qui s'abandonnent à des relations coupables, où le Créateur change le mal en bien, assez d'hommes à qui il accorde de nombreux enfants et de riches successions, pour qu'on puisse contracter de saintes amitiés. De là vient qu'aux premiers âges du monde, dans le but de multiplier les enfants de Dieu, de prophétiser et de préparer la naissance du Prince et du Sauveur de tous les peuples, les saints ont dû user du mariage, non pour eux-mêmes, mais pour servir d'instrument aux desseins de Dieu. Aujourd'hui que, parmi tous les peuples, on voit se former avec activité des unions toutes spirituelles, pour établir la sainte et véritable société, on ne doit pas laisser ignorer à ceux même qui n'aspirent au mariage que dans le désir d'avoir des enfants, qu'il serait mieux pour eux d'embrasser l'état plus parfait de la continence.
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I Tim. V, 14. ↩