CHAPITRE XVIII. SI L'EXCELLENCE DE LA VIRGINITÉ CONDAMNE LE MARIAGE.
18. Vous tous qui avez embrassé la continence perpétuelle et la virginité, vous jouissez, sans doute, d'un bien qui l’emporte beaucoup sur le mariage, mais gardez-vous d'en conclure que le mariage est un mal. Rappelez-vous plutôt cette maxime, si pleine de vérité, prononcée par l'Apôtre : « Celui qui marie sa fille fait bien, mais celui qui ne la marie pas fait encore mieux. En prenant une épouse, tu n'as pas péché, et si une vierge se marie, « elle ne pèche pas ». Un peu plus loin : « A mon avis, il sera plus heureux en persévérant dans la. virginité ». Puis, craignant que son avis ne paraisse une opinion purement humaine, il ajoute aussitôt : « Je le pense et en cela je suis animé de l’Esprit de Dieu ». Préférer les dons les plus excellents, sans condamner les moindres, c’est là une doctrine divine, apostolique, vraie et parfaitement sûre. Dans l’Ecriture, la vérité révélée l’emporte de beaucoup sur toutes les conceptions humaines relatives à la virginité d’esprit ou de corps. Que l’on aime la chasteté, très-bien ; mais que l’on se garde aussi de nier la vérité. En effet quelles fautes ne peuvent souffrir dans leur propre chair, ceux qui pensent que dans ce passage même, où il exaltait la virginité du corps, l’Apôtre était victime de la corruption du mensonge.
Avant tout donc et surtout, il est nécessaire que ceux qui embrassent la sainte virginité, possèdent la foi la plus ferme sur la véracité des saintes Ecritures et qu'en particulier ils acceptent comme vraie cette parole: « En prenant une épousé tu n’as point péché, et si « une vierge se marie elle ne pèche pas». Qu'ils rejettent de leur esprit la simple pensée que c'est amoindrir le précieux bien de l'intégrité, que de ne pas condamner les noces comme mauvaises. Au contraire, ne doit-on pas espérer une récompense d'autant plus belle, que l'on était plus fermement persuadé qu'en se mariant-on ne serait pas condamné? Comment croire que la couronne ne sera pas d'autant plus glorieuse que l'on a résisté au désir légitime de se marier ! Vous voulez demeurer vierges, c'est bien; mais en renonçant au mariage, ne le regardez pas comme un foyer d'iniquité; qu'il vous suffise de vous élever au-dessus de la colline d'un bien inférieur, pour vous reposer sur la montagne d'une continence plus parfaite. Quiconque a placé sa demeure sur cette colline, n'est plus libre d'en sortir quand il voudra, « car la femme est liée « pendant toute la vie de son époux1 ». Cependant elle peut servir d'échelon pour monter jusqu'à la continence du veuvage; au lieu que si l'on aspire à la continence virginale; ou bien il faut éviter cette colline en résistant à toute demande de mariage ; ou bien il faut s’élever au-dessus en rendant, ces demandes impossibles.
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I Cor. VII, 38, 40. ↩