CHAPITRE XIII. QUEL ÉTAIT LE TRAVAIL MANUEL DE L'APÔTRE. ENUMÉRATION DES OCCUPATIONS HONNÊTES AU MOYEN DESQUELLES ON GAGNE SA VIE.
14. Ici, l'on me demandera peut-être : supposé que l'Apôtre se livrât, pour gagner sa vie, à des travaux corporels, quelle occupation choisissait-il ? quelles heures donnait-il au travail, et à quelles heures prêchait-il ? — Je réponds : Mettons que je l'ignore ; il n'en sera pas moins vrai qu'il a travaillé de son corps et gagné sa vie ainsi, sans vouloir user du droit, accordé par Notre-Seigneur aux ministres évangéliques, de vivre de l'Evangile : voilà des faits que les textes précédents mettent absolument hors de doute ; car ce n'est pas une affirmation que l'Apôtre ait prononcée une fois et en passant ; et la funeste habileté de l'esprit le plus subtil et le plus fourbe ne peut la détourner de son sens, ni la plier au service d'une autre idée.
L'opposition de nos contradicteurs venant donc se briser contre cette masse de textes si forts et si nombreux, pourquoi me demandent-ils quel genre de profession exerçait l'Apôtre et en quel temps il l'exerçait ? Je ne sais qu'une chose. Il n'était point voleur, ni par adresse ni par effraction, ni par brigandage; il n'était ni conducteur de chars, ni veneur, ni histrion; ni voué à des gains infâmes. Il travaillait, en toute vertu et honneur, à quelque métier utile à la société, comme sont les professions où l'on manie le fer ou le bois, la pierre ou le cuir, les travaux des gens de la campagne ou tout autre métier semblable. Car l'honneur ne condamne pas certains ouvrages que condamne l'orgueil de certaines gens qui aiment à s'appeler hommes d'honneur et n'aiment pas à l'être en effet. — Non, l'Apôtre ne dédaignerait pas, lui, de mettre la main à quelque ouvrage rustique ni de s'appliquer à un travail d'ouvrier. Il a dit : « Soyez sans reproche en face des Juifs, des Grecs et de l'Eglise de Dieu1» ; et ici il n'a lui-même à craindre le blâme d'aucun d'eux. Produirez-vous contre lui les Juifs ? Leurs patriarches gardaient les troupeaux. Les Grecs, que nous appelons aussi les païens? Les ouvriers en cuir leur ont fourni des philosophes même très-honorables. L'Eglise de Dieu? Mais un homme si juste qu'il a été choisi pour témoin d'une virginité inviolable dans le mariage même, oui, l'époux de la Vierge Marie, Mère du Christ, était un artisan. Concluez donc que tout travail d'homme en ce genre est bon, pourvu qu'il soit innocent et sans fraude ; condition suprême d'ailleurs, prévue et recommandée par l'Apôtre qui, craignant que la nécessité de gagner sa vie ne jette le travailleur en quelque oeuvre mauvaise, a soin de dire : « Que celui qui était voleur, ne vole plus; mais qu'il travaille davantage et honnêtement de ses mains, afin d'avoir même à donner à celui qui aurait besoin2 ». Un seul point est donc nécessaire à savoir : c'est que , dans ses travaux corporels , l'Apôtre faisait encore le bien.