Übersetzung
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La cité de dieu
CHAPITRE XIII.
LA PAIX UNIVERSELLE, FONDÉE SUR LES LOIS DE LA NATURE, NE PEUT ÊTRE DÉTRUITE PAR LES PLUS VIOLENTES PASSIONS, LE JUGE ÉQUITABLE ET SOUVERAIN FAISANT PARVENIR CHACUN A LA CONDITION QU’IL A MÉRITÉE.
Ainsi la paix du corps réside dans le juste tempérament de ses parties, et celle de l’âme sensible dans le calme régulier de ses appétits satisfaits. La paix de, l’âme raisonnable, c’est en elle le parfait accord de la connaissance et de l’action ; et celle du corps et de l’âme, c’est la vie bien ordonnée et la santé de l’animal. La paix entre l’homme mortel et Dieu est une obéissance réglée par la foi et soumise à la loi éternelle ; celle des hommes entre eux, une concorde raisonnable. La paix d’une maison, c’est une juste correspondance entre ceux (436) qui y commandent et ceux qui y obéissent. La paix d’une cité, c’est la même correspondance entre ses membres. La paix de la Cité céleste consiste dans une union très-réglée et très-parfaite pour jouir de Dieu, et du prochain en Dieu ; et celle de toutes choses, c’est un ordre tranquille. L’ordre est ce qui assigne aux choses différentes la place qui leur convient. Ainsi, bien que les malheureux, en tant que tels, ne soient point en paix, n’étant point dans cet ordre tranquille que rien ne trouble, toutefois, comme ils sont justement malheureux, ils ne peuvent pas être tout à fait hors de l’ordre. A la vérité, ils ne sont pas avec les bienheureux; mais au moins c’est la loi de l’ordre qui les en sépare. Ils sont troublés et inquiétés, et toutefois ils ne laissent pas d’avoir quelque convenance avec leur état. ils ont dès lors quelque ombre de tranquillité dans leur ordre ; ils ont donc aussi quelque paix. Mais ils sont malheureux, parce qu’encore qu’ils soient dans le lieu où ils doivent être, ils ne sont pas dans le lieu où ils n’auraient rien à souffrir: moins malheureux toutefois encore que s’ils n’avaient point de convenance avec le lieu où ils sont. Or, quand ils souffrent, la paix est troublée à cet égard ; mais elle subsiste dans leur nature, que la douleur ne peut consumer ni détruire, et à cet autre égard, ils sont en paix. De même qu’il y a quelque vie sans douleur, et qu’il ne peut y avoir de douleur sans quelque vie; ainsi il y a quelque paix sans guerre, mais il ne peut y avoir de guerre sans quelque paix, puisque la guerre suppose toujours quelque nature qui l’entretienne, et qu’une nature ne saurait subsister sans quelque sorte de paix.
Ainsi il existe une Nature souveraine où il ne se trouve point de mal et où il ne peut même s’en trouver ; mais il ne saurait exister de nature où ne se trouve aucun bien. Voilà pourquoi la nature du diable même n’est pas mauvaise en tant que nature ; la seule malice la rend telle. C’est pour cela qu’il n’est pas demeuré dans la vérité ; mais il n’a pu se soustraire au jugement de la vérité. Il n’est pas demeuré dans un ordre tranquille; mais il n’a pas toutefois évité la puissance du souverain ordonnateur. La bonté de Dieu, qui a fait sa nature, ne le met pas à couvert de la justice de Dieu, qui conserve l’ordre en le punissant, et Dieu ne punit pas en lui ce qu’il a créé, mais le mal que sa créature a commis. Dieu ne lui ôte pas tout ce qu’il a donné à sa nature, mais seulement quelque chose, lui laissant le reste, afin qu’il subsiste toujours pour souffrir de ce qu’il a perdu. La douleur même qu’il ressent est un témoignage du bien qu’on lui a ôté et de celui qu’on lui a laissé, puisque, s’il ne lui était encore demeuré quelque bien, il ne pourrait pas s’affliger de celui qu’il a perdu. Car le pécheur est encore pire, s’il se réjouit de la perte qu’il fait de l’équité; mais le damné, s’il ne retire aucun bien de ses tourments, au moins s’afflige-t-il de la perte de son salut. Comme l’équité et le salut sont deux biens, et qu’il faut plutôt s’affliger que se réjouir de la perte d’un bien, à moins que cette perte ne soit compensée d’ailleurs, les méchants ont sans doute plus de raison de s’affliger de leurs supplices qu’ils n’en ont eu de se réjouir de leurs crimes. De même que se réjouir, lorsqu’on pèche, est une preuve que la volonté est mauvaise; s’affliger, lorsqu’on souffre, est aussi une preuve que la nature est bonne. Aussi bien celui qui s’afflige d’avoir perdu la paix de sa nature ne s’afflige que par certains restes de paix qui font qu’il aime sa nature. Or, c’est très-justement que dans le dernier supplice les méchants déplorent, au milieu de leurs tortures, la perte qu’ils ont faite des biens naturels, et qu’ils sentent que celui qui les leur ôte est ce Dieu très-juste envers qui ils ont été ingrats. Dieu donc, qui a créé toutes les natures avec une sagesse admirable, qui les ordonne avec une souveraine justice et qui a placé l‘homme sur la terre pour en être le plus bel ornement, nous a donné certains biens convenables à cette vie, c’est-à-dire la paix temporelle, dans la mesure où on peut l’avoir ici-bas, tant avec soi-même- qu’avec les autres, et toutes les choses nécessaires peur la conserver ou pour la recouvrer, comme la lumière, l’air, l’eau, et tout ce qui sert à nourrir, à couvrir, à guérir ou à parer le corps, mais sous cette condition très-équitable, que ceux qui feront bon usage de ces biens en recevront de plus grands et de meilleurs, c’est-à-dire une paix immortelle accompagnée d’une gloire sans fin et de la-jouissance de Dieu et du prochain en Dieu, tandis que ceux qui en feront mauvais usage perdront même ces biens inférieurs et n’auront pas les autres. (437)
Edition
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De civitate Dei (CCSL)
Caput XIII: De pace uniuersali, quae inter quaslibet perturbationes priuari non potest lege naturae, dum sub iusto iudice ad id quisque peruenit ordinatione, quod meruit uoluntate.
Pax itaque corporis est ordinata temperatura partium, pax animae inrationalis ordinata requies adpetitionum, pax animae rationalis ordinata cognitionis actionisque consensio, pax corporis et animae ordinata uita et salus animantis, pax hominis mortalis et dei ordinata in fide sub aeterna lege oboedientia, pax hominum ordinata concordia, pax domus ordinata imperandi oboediendique concordia cohabitantium, pax ciuitatis ordinata imperandi atque oboediendi concordia ciuium, pax caelestis ciuitatis ordinatissima et concordissima societas fruendi deo et inuicem in deo, pax omnium rerum tranquillitas ordinis. ordo est parium dispariumque rerum sua cuique loca tribuens dispositio. proinde miseri, quia, in quantum miseri sunt, utique in pace non sunt, tranquillitate quidem ordinis carent, ubi perturbatio nulla est; uerumtamen quia merito iusteque sunt miseri, in ea quoque ipsa miseria sua praeter ordinem esse non possunt; non quidem coniuncti beatis, sed ab eis tamen ordinis lege seiuncti. qui cum sine perturbatione sunt, rebus, in quibus sunt, quantacumque congruentia coaptantur; ac per hoc inest eis ordinis nonnulla tranquillitas, inest ergo nonnulla pax. uerum ideo miseri sunt, quia, etsi in aliqua securitate non dolent, non tamen ibi sunt, ubi securi esse ac dolere non debeant; miseriores autem, si pax eis cum ipsa lege non est, qua naturalis ordo administratur. cum autem dolent, ex qua parte dolent, pacis perturbatio facta est; in illa uero adhuc pax est, in qua nec dolor urit nec conpago ipsa dissoluitur. sicut ergo est quaedam uita sine dolore, dolor autem sine aliqua uita esse non potest: sic est quaedam pax sine ullo bello, bellum uero esse sine aliqua pace non potest; non secundum id, quod bellum est, sed secundum id, quod ab eis uel in eis geritur, quae aliquae naturae sunt; quod nullo modo essent, si non qualicumque pace subsisterent. quapropter est natura, in qua nullum malum est uel etiam in qua nullum esse malum potest; esse autem natura, in qua nullum bonum sit, non potest. proinde nec ipsius diaboli natura, in quantum natura est, malum est; sed peruersitas eam malam facit. itaque in ueritate non stetit, sed ueritatis iudicium non euasit; in ordinis tranquillitate non mansit, nec ideo tamen a potestate ordinatoris effugit. bonum dei, quod illi est in natura, non eum subtrahit iustitiae dei, qua ordinatur in poena; nec ibi deus bonum insequitur quod creauit, sed malum quod ille commisit. neque enim totum aufert quod naturae dedit, sed aliquid adimit, aliquid relinquit ut sit qui doleat quod ademit. et ipse dolor testimonium est boni adempti et boni relicti. nisi enim bonum relictum esset, bonum amissum dolere non posset. nam qui peccat, peior est, si laetatur in damno aequitatis; qui uero cruciatur, si nihil inde adquirat boni, dolet damnum salutis. et quoniam aequitas ac salus utrumque bonum est bonique amissione dolendum est potius quam laetandum - si tamen non sit conpensatio melioris; melior est autem animi aequitas quam corporis sanitas - , profecto conuenientius iniustus dolet in supplicio, quam laetatus est in delicto. sicut ergo laetitia deserti boni in peccato testis est uoluntatis malae, ita dolor amissi boni in supplicio testis est naturae bonae. qui enim dolet amissam naturae suae pacem, ex aliquibus reliquiis pacis id dolet, quibus fit, ut sibi amica natura sit. hoc autem in extremo supplicio recte fit, ut iniqui et inpii naturalium bonorum damna in cruciatibus defleant, sentientes eorum ablatorem iustissimum deum, quem contempserunt benignissimum largitorem. deus ergo naturarum omnium sapientissimus conditor et iustissimus ordinator, qui terrenorum ornamentorum maximum instituit mortale genus humanum, dedit hominibus quaedam bona huic uitae congrua, id est pacem temporalem pro modulo mortalis uitae in ipsa salute et incolumitate ac societate sui generis, et quaeque huic paci uel tuendae uel recuperandae necessaria sunt - sicut ea, quae apte et conuenienter adiacent sensibus, lux uox, aurae spirabiles aquae potabiles, et quidquid ad alendum tegendum curandum ornandumque corpus congruit - , eo pacto aequissimo, ut, qui mortalis talibus bonis paci mortalium adcommodatis recte usus fuerit, accipiat ampliora atque meliora, ipsam scilicet inmortalitatis pacem eique conuenientem gloriam et honorem in uita aeterna ad fruendum deo et proximo in deo; qui autem perperam, nec illa accipiat et haec amittat.