Edition
ausblenden
Contra Faustum Manichaeum libri triginta tres
56.
Est vero quidam Liae fetus ex beneficio Rachel editus, cum virum suum secum debita nocte cubiturum acceptis a filio Liae mandragoricis malis cum sorore cubitare permittit. De hoc autem pomi genere opinari quosdam scio, quod acceptum in escam sterilibus feminis fecunditatem parit; ac per hoc putant omni modo institisse Rachel, ut hoc a filio sororis acciperet cupiditate pariendi. p. 651,7 Quod ego non arbitrarer, nec si tunc concepisset. Nunc vero cum post Liae duos alios ab illa nocte partus dominus eam prole donaverit, nihil est, cur de mandragora tale aliquid suspicemur, quale in nulla femina experti sumus. Dicam ergo quid sentiam, dicent hinc forte meliora doctiores. Cum enim haec mala ipse vidissem et propter istum ipsum sacrae lectionis locum id mihi obtigisse gratularer – rara enim res est - , naturam eorum diligenter, quantum potui, perscrutatus sum, non aliqua a communi sensu remotiore scientia, quae docet virtutes radicum et potestates herbarum, sed quantum mihi et cuilibet homini renuntiabat visus et olfactus et gustus. p. 651,18 Proinde rem comperi pulchram et suaveolentem, sapore autem insipido; et ideo cur eam mulier tantopere concupiverit, ignorare me fateor, nisi forte propter pomi raritatem et odoris iucunditatem. Cur vero ipsam rem gestam sancta scriptura tacere noluerit, quae non utique talia desideria muliercularum nobis pro magno insinuare curaret, nisi aliquid in eis magnum quaerere commoneret, nihil amplius conicere valeo, quam quod ex illo communi sensu mihi suggeritur, ut illo mandragorico pomo figurari intellegam famam bonam: non eam, quae confertur, cum laudant hominem pauci iusti atque sapientes, sed illam popularem, qua etiam maior et clarior notitia comparatur, p. 652,4 non ipsa per sese expetenda, sed intentioni bonorum, qua generi humano consulunt, pernecessaria. Unde dicit apostolus: Oportet etiam testimonium habere bonum ab eis, qui foris sunt, qui licet parum sapiant, reddunt tamen plerumque labori eorum, per quos sibi consulitur, et splendorem laudis et odorem bonae opinionis. Nec ad istam gloriam popularem primi perveniunt eorum, qui sunt in ecclesia, nisi quicumque in actionum periculis et labore versantur. Propterea Liae filius mala mandragorica invenit exiens in agrum, id est honeste ambulans ad eos, qui foris sunt. Doctrina vero illa sapientiae, quae a vulgi strepitu remotissima in contemplatione veritatis dulci delectatione defigitur, hanc popularem gloriam quantulamcumque non assequeretur nisi per eos, qui in mediis turbis agendo ac suadendo populis praesunt, non ut praesint, sed ut prosint, p. 652,18 quia, dum isti actuosi et negotiosi homines, per quos multitudinis administratur utilitas, et quorum auctoritas populis cara est, testimonium perhibent etiam vitae propter studium conquirendae et contemplandae veritatis otiosae, quodam modo mala mandragorica per Liam perveniunt ad Rachel, ad ipsam vero Liam per filium primogenitum, id est per honorem fecunditatis eius, in qua est omnis fructus laboriosae atque inter incerta temptationum periclitantis actionis, quam plerique bono ingenio praediti studioque flagrantes quamvis idonei regendis populis esse possint, tamen vitant propter turbulentas occupationes et in doctrinae otium toto pectore tamquam speciosae Rachel feruntur amplexum.
Übersetzung
ausblenden
Contre Fauste, le manichéen
CHAPITRE LVI. CE QUE SIGNIFIE LA MANDRAGORE.
Lia eut un enfant par suite de la concession de Rachel, qui, pour avoir des mandragores du fils de sa soeur, permit à celle-ci de partager le lit de son époux, auquel elle-même avait droit pour cette nuit. Je sais que quelques-uns croient que ce fruit a la propriété de rendre féconde la femme stérile qui en mange, et ils.pensent que Rachel n'insista si vivement pour en avoir du fils de sa soeur que parce qu'elle désirait ardemment avoir des enfants. Je ne partagerais point cette opinion, quand même Rachel eût conçu en ce moment-là. Mais comme, après que Lia eût mis au monde deux enfants, à partir de cette nuit, Dieu donna un fils à Rachel, il n'y a pas de raison pour que nous attribuions à la mandragore une propriété dont aucune femme n'a jamais fait l'expérience. Je dirai donc ma pensée; de plus savants donneront peut-être une meilleure explication. Je vis un jour de cette espèce de fruit, qui est assez rare, et je me félicitai de cet heureux hasard, précisément à cause de ce passage des livres saints; j'en étudiai attentivement, et de mon mieux, la nature, non à l'aide de connaissances spéciales et dépassant ce que l'on sait communément des vertus des racines et des propriétés des herbes, mais d'après ce que la vue, l'odorat et le goût pouvaient m'apprendre, comme au premier homme venu. J'ai donc trouvé un beau fruit, d'une odeur agréable, mais d'une saveur insipide; et j'avoue que je ne comprends pas qu'une femme ait pu en avoir une si forte envie, si ce n'est à cause de sa rareté et de son parfum. Mais pourquoi un tel fait est-il mentionné dans la sainte Ecriture, qui tiendrait sans doute peu à nous faire connaître ces caprices de femmes, si ce n'était pour nous y faire soupçonner quelque chose d'important ? Je ne puis supposer d'autre raison que celle que suggère le bon sens, à savoir que la mandragore figure ici la bonne réputation : non pas celle qui repose sur le suffrage de quelques hommes justes et sages, mais ce renom populaire, qui relève un personnage et le rend plus célèbre : avantage qu'on ne doit point rechercher pour lui-même, mais absolument nécessaire aux gens de bien pour qu'ils puissent réaliser leurs vues d'intérêt général. Ce qui fait dire à l'Apôtre: « Il faut avoir un bon témoignage de ceux qui sont dehors[^1] »; lesquels, bien qu'ils soient peu sages, procurent néanmoins ordinairement, aux travaux dont ils sont l'objet, et l'éclat de la louange et la bonne odeur de l'opinion. Or, de tous ceux qui sont dans l'Eglise, les premiers qui parviennent à cette gloire populaire, sont ceux qui mènent une vie d'action, de périls et de labeur. Voilà pourquoi le fils de Lia, allant à la campagne, c'est-à-dire se rendant honnêtement chez ceux du dehors, trouve des mandragores. Mais cette doctrine de sagesse qui, loin du bruit de la foule, reste fixée dans la contemplation et la douce jouissance de la vérité, n'obtiendrait pas même au plus mince degré, cette gloire populaire, si ce n'était par l'entremise de ceux qui gouvernent la multitude par l'action et par la parole, et sont avides non de commander, mais d'être utiles. Comme ces hommes actifs et laborieux dévoués aux intérêts de la foule, et dont l'autorité est chère aux peuples, rendent témoignage à la vie qui reste oisive par l'ardeur qu'elle éprouve à rechercher et à contempler la vérité, les mandragores arrivent en quelque sorte à Rachel par Lia. Mais elles arrivent à Lia par son premier-né, c'est-à-dire, par l'honneur de sa fécondité, laquelle renferme tout le fruit d'une activité laborieuse, s'exerçant à travers les incertitudes, les épreuves et les périls. Cette activité, la plupart des hommes doués d'un génie heureux et passionnés pour l'étude, fussent-ils propres d'ailleurs à gouverner les peuples, l'évitent cependant à cause des occupations turbulentes qu'elle entraîne, et se portent de tout leur coeur vers les loisirs de la doctrine, comme vers les embrassements de la belle Rachel.
- II Tim. III, 7.